© Thomas Laborde
Les infirmiers de bloc opératoire (Ibode) ont manifesté le 23 septembre, à Paris, et dans toute la France pour le respect, dans les blocs opératoires, de la loi relative aux actes exclusifs et mesures transitoires. La revalorisation salariale, notamment le versement de la NBI, était aussi au menu des revendications.
Les Ibode étaient en grève jeudi 23 septembre, à l’appel du Collectif Inter-Blocs, de l’Unaibode, du Snibo, de l’Alibode. Des mobilisations avaient lieu partout en France, la principale à Paris, pour interpeller Olivier Véran. Ils étaient plusieurs dizaines d’Ibode et étudiants Ibode à marcher dans les rues de la capitale, depuis le quartier Montparnasse jusqu’au ministère des Solidarités et de la Santé, avec toujours les mêmes revendications depuis plusieurs années, face à un statu quo qui gangrène leur profession.
« Ça fait vingt ans que je suis Ibode et ça fait vingt ans que j’entends qu’on va avoir une exclusivité de fonction, une revalorisation salariale, qu’on va être reconnues », résume Nathalie, Ibode au centre hospitalier de Troyes. Elle est venue à Paris avec une collègue pour retrouver Cinthia, IDE en formation d’Ibode. « Je veux pouvoir prendre en charge mes patients en toute sécurité au bloc, avoir la spécialisation, reprend la jeune femme. C’est un milieu à part, très stérile, très aseptique, la formation avec les collègues ne suffit pas. Plus de connaissances, plus de responsabilités mais un salaire moindre, ce n’est pas normal… »
L’une des revendications est justement d’obtenir que soit appliqué dans tous les blocs le décret du 28 juin 2019 qui a instauré des mesures transitoires pour certains actes exclusifs Ibode(1). Or, la réalité de terrain est autre, les hôpitaux continuant, dénoncent les syndicats, à recourir à des infirmiers non spécialisés et sans formation pour des compétences exclusives des Ibode. Magali Delhoste, présidente de l’Unaibode, s’en insurge : « Nous sommes sur le terrain et nous constatons chaque jour la non-application de la loi ! Les actes exclusifs datent de 2015 et les taux de formation n’ont pas augmenté du tout ! Est-ce que vous ou quelqu’un de votre famille vous feriez opérer par un chirurgien renommé mais avec une aide qui sort de l’école d’infirmières et n’a jamais touché un écarteur ? On en est là, avec des infirmières à peine formées sur le tas. Le conseiller du Ministre, qui nous a reçus et ne connaissait rien, nous a ri au nez. Je suis outrée par l’accueil qui nous a été réservé, rien ne change et on a touché le fond. »
Autre raison de battre le pavé, un salaire à la hauteur des compétences, à commencer par le versement de la NBI (nouvelle bonification tarifaire) dont les Iade sont, eux, bénéficiaires. Alors que le tribunal administratif de Marseille rendait une décision favorable à leur égard au début de l’été, ce qui pourrait faire jurisprudence, tous les Ibode ne touchent pas la NBI.
Clément et ses collègues de Dunkerque, eux, ont réussi à l’obtenir en juin dernier : « Ça a été une galère, mais on a été entendus. Ça ne suffit pas, depuis que je suis passé IDE, avec la NBI, je ne gagne que 4 € de plus. Youpi ! Sachant que j’ai perdu 600 € par mois avec les astreintes et les gardes en moins pendant la formation… Il faut une refonte de la grille, qu’on ait des primes spécifiques aux Ibode. Comme les Iade. En plus de la NBI : l’inégalité d’un centre hospitalier à l’autre est un grave problème. » Ils sont deux à être venus de Dunkerque ce jour, le prix des billets de train ayant démotivé un grand nombre de grévistes.
« Ce qui est prévu dans le Ségur, au niveau de l’attractivité, 16 € par rapport à une infirmière en soins généraux, c’est catastrophique », s’inquiète Rachid Digoy, président du Collectif Inter-Blocs, Ibode à Chalon-sur-Saône.
Au-delà du salaire, l’attractivité de la profession passe aussi pour les manifestants par de meilleures conditions de travail. Isabelle Grand, adhérente à l’Unaibode, a fait le déplacement depuis Grenoble. Au bloc depuis trente-trois ans, elle a vu les conditions de travail se dégrader, « avec une accentuation depuis dix ans ». Elle est déçue du petit nombre de manifestants présents ce jour. Les organisations professionnelles pointent des assignations abusives, selon eux. «C’est une entrave au droit de grève, tranche Rachid Digoy. On prépare une réponse judiciaire.»
Il résume : « On se déplace aujourd’hui pour réclamer des moyens supplémentaires pour les infirmiers de bloc opératoire, une revalorisation salariale, statutaire mais aussi de meilleures conditions de travail. Dans la conjoncture actuelle, au vu des départs dans les blocs, le Ministère n’a plus d’autre choix que de nous recevoir et travailler avec nous pour décoincer une situation dramatique. »
En attendant, pas de nouvelles du ministre…
Thomas Laborde
1. Le décret prévoir que des infirmiers ayant au moins un an de pratique professionnelle à temps plein dans les blocs opératoires, et ayant pratiqué régulièrement les actes prévus par le décret, puissent prétendre aux mesures transitoires, lesquelles leur permettent de réaliser certains actes exclusifs aux Ibode. Une mesure destinée à pallier le manque d’Ibode.