© Institut Women Safe
À l’Institut Women Safe, différents professionnels travaillent de concert pour prendre en charge des femmes victimes de violences. En cette Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Frédérique Martz, la directrice cofondatrice, et Filiani Fer, l’infirmière coordinatrice évoquent le rôle des IDE dans ce lieu qui réunit santé et justice.
Pourriez-vous vous présenter ?
Frédérique Martz : Je suis la cofondatrice de l’Institut Women Safe avec le docteur Foldes qui a inventé la technique de réparations de l’excision. L’objectif de ce centre était d’associer des professionnels qui doivent se parler et travailler ensemble pour prendre en charge des femmes victimes de violences : infirmières, juristes, médecins, psychologues, puéricultrices… Ici, la règle, c’est le secret partagé, sans hiérarchie, au bénéfice des victimes. On ne prend pas en compte les années d’études mais plutôt la compétence.
Filiani Fer : Je suis l’infirmière coordinatrice de l’institut depuis 2018. J’y étais stagiaire durant mes études. J’y suis aussi venue en tant que bénévole.
Les violences faites aux femmes constituaient-elles un sujet à l’époque de vos études, dans votre Ifsi ?
F. F. : Pas du tout. On abordait les entretiens d’aide thérapeutique dans le cadre de l’annonce d’un cancer, par exemple, on faisait des simulations mais c’est tout.
Quel est le rôle de l’infirmière dans le centre ?
F. M. : On a été les premiers à vouloir absolument intégrer les infirmières dans le parcours. C’est la profession qui arrive le mieux à appréhender la problématique d’une personne à 360 °. La santé, le social comme l’avancée juridique. C’est une qualité que les autres ne peuvent pas avoir. Cette vision est indispensable pour la mise en œuvre d’une prise en charge qui va répondre à toutes ces problématiques sans en laisser une de côté.
F. F. : Nous sommes les portes d’entrée des victimes. Il y a bien sûr d’abord un accueil téléphonique ou une prise de contact par mail. Nous, on se charge d’accueillir la personne au sein de la structure, de lui présenter les lieux, le fonctionnement. On prend le temps d’expliquer la procédure, de repérer ses souffrances…
Quelles qualités cela requiert ?
F. M. : Du savoir-être. Ce que l’infirmière dégage humainement. On travaille avec un public fragilisé, il faut savoir montrer un sentiment de sécurité qui passe par la parole et des gestes bienveillants.
F. F. : Être humain, capable d’une véritable écoute. Et c’est la base de notre métier. Alors qu’ailleurs, on nous demande d’être des machines qui prennent le plus de patients possibles en un temps réduit.
À quoi ressemble la journée d’une infirmière à Women Safe ?
F. F. : On accueille les femmes. On commence par des formalités administratives. Puis on les écoute exposer les raisons de leur venue. Certaines en parlent pour la première fois, ce sont des entretiens qui peuvent être très longs. Puis on réfléchit avec elles aux orientations possibles. On a cette chance d’avoir une vision globale et de pouvoir comprendre si le besoin urgent est juridique, psychologique, médical. Enfin, on intègre un compte rendu pour que tous les acteurs du centre y aient accès. On l’explique à la victime. Ainsi, elle n’a pas à tout répéter à chaque fois. Pour éviter d’alimenter la honte et qu’elles ne reviennent pas par peur de ressasser plutôt que de se sentir aidées.
Comment fonctionne le secret partagé ?
F. F. : À la fin de chaque permanence, de chaque demi-journée de travail, on se réunit en transmission d’équipes. Tous les professionnels de la permanence sont présents. On discute des dossiers. On s’alerte.
Pourquoi cette méthode n’est-elle pas appliquée ailleurs ?
F. F. : Le fait de se réunir, d’être nombreux peut effrayer, pousser à ne pas se sentir légitime. Chez nous, il n’y a pas de hiérarchie entre les corps de métier. On peut apprendre de chacun.
Combien de femmes ont été aidées par le centre ?
F. F. : On approche des 4 000 victimes depuis la création de l’Institut. Elles sont venues de 51 départements différents.
Comment vous déployer ?
F. M. : Nous cherchons à nous implanter dans des zones rurales. On compte d’ailleurs beaucoup sur les infirmières libérales pour détecter des violences au sein des domiciles où elles interviennent.
F. F. : On est en lien avec l’Ifsi d’Argenteuil où j’ai fait mes études pour former les étudiantes aides-soignantes et infirmières. C’est important de sensibiliser. Les infirmières sont les plus en contact avec les personnes hospitalisées. Ce sont elles qui peuvent le plus facilement déceler un contexte de violence.
Propos recueillis par Thomas Laborde
Institut Women Safe, 01 39 10 85 35, accueil@women-safe.org
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De Vaumas É., Mareni S., Bodelot-Bissiau J. et al., « Les violences faites aux femmes au sein du couple », L’Infirmièr.e n° 2, novembre 2020.