© Yasmine Candau
Le lancement de la première stratégie nationale contre l’endométriose le 11 janvier 2022 n’est pas passé inaperçu. Aux avant-postes depuis près de vingt ans, l’association EndoFrance s’en félicite, mais sa présidente, Yasmine Candau, rappelle ses priorités.
Comment avez-vous accueilli le lancement de la stratégie ?
Nous nous en réjouissons ! En vingt ans de combat, c’est historique qu’un président de la République s’exprime en des termes aussi forts et justes sur l’endométriose. Suite à sa déclaration, nous avons reçu des dizaines de messages de patientes qui se disaient enfin comprises. Contrairement à ce que les pouvoirs publics ont longtemps pensé, la maladie est loin d’être bénigne au sens médical du terme. Plus le diagnostic est tardif, plus la qualité de vie des femmes qui en sont atteintes est amoindrie. Certaines formes peuvent être très invalidantes au quotidien, qu’il s’agisse de la vie intime, professionnelle, familiale et sociale. Problème : aujourd’hui, il faut en moyenne sept ans pour poser un diagnostic. Or, avec le lancement de cette stratégie, tout le monde a entendu le message. Il y a désormais un consensus sur la nécessité d’agir, mais surtout, il ne sera plus possible d’ignorer que cette maladie représente un enjeu de santé publique ; ce qui devrait contribuer en toute logique à faire bouger les lignes.
Parmi les mesures annoncées, quelles sont celles qu’il faut prioriser ?
Pour moi, les plus importantes sont celles qui vont directement améliorer la prise en charge des patientes. Et la plus prioritaire d’entre toutes : la formation des professionnels médicaux. Cela fait quinze ans qu’EndoFrance milite pour que l’endométriose apparaisse dans les programmes des futurs soignants. Tant qu’on aura des médecins non formés à cette question, le retard entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic continuera de se creuser, et le nombre de formes sévères, qui concerne aujourd’hui deux tiers des femmes atteintes, de progresser. Au-delà des médecins (du travail, généralistes, gynécologues), ce sont tous les professionnels au contact des femmes qui doivent pouvoir accéder à une formation adaptée, soit les sages-femmes, les travailleurs sociaux, les IDE scolaires, etc. Autre priorité pour mieux connaître la maladie : dynamiser la recherche. Un axe d’autant plus prioritaire qu’actuellement, en France, il n’existe aucune enveloppe budgétaire qui lui est directement allouée, alors qu’en Australie ou aux États-Unis par exemple, les financements à destination de la recherche sur l’endométriose atteignent plusieurs millions de dollars.
Le gouvernement mise également sur le déploiement de filières de soins territoriales, cela vous paraît-il judicieux ?
C’est surtout essentiel ! Il s’agit de mettre en place des filières de soins régionales qui vont permettre d’améliorer le diagnostic, flécher le parcours de soins, mieux orienter les femmes et faciliter leur prise en charge. L’idée, c’est que dans chaque ville on puisse identifier des référents endométriose, chapeautés par la filière de soins, à qui les professionnels de premier recours pourront adresser une femme qui présente des signes de la maladie. Cette démarche permettra de leur éviter l’errance médicale dont elles font actuellement l’expérience, mais aussi une montée en compétences des autres acteurs de la filière et l’harmonisation des pratiques. Ce projet n’est pas nouveau, puisque c’est Agnès Buzyn, alors qu’elle était encore ministre des Solidarités et de la Santé, qui en est à l’origine. Depuis 2019, trois filières de ce type, labellisées par les agences régionales de santé, ont d’ailleurs vu le jour. D’autres sont en cours de création, tel qu’en Île-de-France ou en région Paca.
Que peuvent espérer les IDE de cette stratégie ?
Les IDE ont tout intérêt à pouvoir intégrer une filière de soins et à mieux se former sur le sujet. La stratégie prévoit d’ailleurs de leur proposer des modules de formation adaptée, au même titre que les autres professionnels paramédicaux. Car aujourd’hui, elles ont un rôle important à jouer, mais sont encore un peu à la marge. Pourtant, leur contribution permettrait d’améliorer la coordination des soins, notamment en postopératoire. Mieux formées, les infirmières libérales pourraient faire le pont entre les patientes et l’hôpital, en assurant le suivi de façon plus coordonnée avec l’équipe hospitalière. Tout ceci irait vraiment dans le sens d’une meilleure prise en charge, même si ça mettra forcément un peu de temps avant de se mettre en place.
Propos recueillis par Éléonore de Vaumas
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