Merguez, chips, musique… et banderoles devant l’hopital Philippe-Pinel, à Amiens, jeudi 23 juin. Les dizaines de soignants qui ont participé à ce « barbecue revendicatif » protestent notamment contre la révision d’un accord local sur le temps de travail.
De mémoire de syndicalistes du Centre hospitalier Philippe-Pinel, à Amiens, c’est la première mobilisation menée en intersyndicale (CGT-CFDT-FO-Sud santé sociaux) au niveau local de l’hôpital… au XXIe siècle. Jeudi 23 juin, devant l’entrée de cet établissement public de santé mentale, plusieurs dizaines d’employés ont participé à un « barbecue revendicatif », en particulier pour protester contre le projet de révision d’un accord local de 2002 sur les 35 heures qui consisterait à passer à 37,30 heures de travail par semaine et à supprimer treize jours de réduction du temps de travail (RTT) dans l’année (1). Toujours selon les syndicats, la signature du nouvel accord est prévue fin juin, et son application en janvier 2012. « L’argument-choc de la direction, c’est de dire que si on ne le fait pas, on coule budgétairement l’hôpital », confie Didier Delhez, infirmier à Pinel et secrétaire départemental de Sud dans la Somme. Des syndicalistes imputent « en grande partie » le déficit au non-versement de « l’argent promis » par les tutelles régionales « pour la création de services ».
« Patients en danger »
Brandie devant les automobilistes filtrés près de l’établissement, une banderole rappelle l’une des revendications : « Touche pas à mes RTT ». « On a besoin de RTT pour tenir le coup », explique Nicolas Lietoir, infirmier à Pinel, militant à la CGT – comme Sud, ce syndicat s’est récemment reformé dans l’établissement. « Les soignants sont fatigués, certains sont eux-mêmes en arrêt. C’est le cercle vicieux de l’hôpital », déplore Christelle Jeuniaux, de la CFDT. Résultat : « On met les patients en danger », condamne Didier Argentin, infirmier, lui aussi de la CFDT.
Rappels sur des temps de repos, difficultés à faire garder les enfants en cas de suppression de repos, embarras horaires pour les « nombreuses infirmières jeunes mamans », « dépannage dans des unités qu’on ne connaît pas, avec des patients qu’on ne connaît pas »… Les syndicats égrènent une longue liste de problèmes rencontrés ou redoutés.
S’y ajoute « la surpopulation ». Généralement, expliquent les grévistes, un service compte 20 lits et deux en chambre d’isolement. Or « on peut accueillir jusqu’à 25, 27 patients… » Ce qui est susceptible d’accélérer la sortie des malades… et leur rechute, selon la psychologue Colette Fréville (Force ouvrière).
« Limite du gardiennage »
« Hier, on a sorti un patient d’une chambre d’isolement et nous n’avons même pas eu le temps de nettoyer le lit qu’un autre patient l’occupait déjà, témoigne Christelle Jeuniaux. Nous sommes toujours dans l’urgence. La plus grosse charge de travail, aujourd’hui, c’est le téléphone, et ce n’est même pas reconnu. On y passe notre vie, à chercher une place, à contacter les médecins… » « C’est du temps sur lequel on ne soigne pas », confirme Didier Delhez. L’administratif prend le pas sur le patient et le travail infirmier s’apparente « limite à du gardiennage », avance Christelle Jeuniaux. En cas d’entrées nocturnes, il arrive de réveiller des patients pour les changer de place, selon Nicolas Lietoir.
Cette dégradation des conditions de travail se résume dans cette équation : moins de salariés et autant de patients. « Des fois, il y a plus d’étudiants que de personnel », relate un gréviste, un autre indiquant avoir travaillé à deux soignants pour 26 patients. « Avant, à quatre ou cinq dans un service, on prenait le temps de s’asseoir avec des patients pour notre travail. Discuter peut permettre d’éviter de donner un anxiolytique », note Didier Argentin.
Texte et photo
Mathieu Hautemulle
1- Nous avons sollicité la direction pour connaître notamment son estimation du nombre de grévistes. Elle n’a pas pu nous répondre, invoquant un emploi du temps chargé. Sur France 3, elle a indiqué que « 270 personnes ont été embauchées depuis 2002 ».