Arrivant au pas de course au Parc Chanot en compagnie de Roselyne Bachelot et de Valérie Pécresse, après une visite éclair à l’Institut Paoli-Calmettes, Nicolas Sarkozy est allé d'emblée au chiffre essentiel: le Plan Cancer 2 représentera « près de 750 millions d’euros de dépenses nouvelles entre 2009 et 2013 ». Il suivra les recommandations du rapport que le Pr Grünfeld lui a remis fin février. Si le premier Plan cancer (2003-2007) a été « utile », le second se doit d’être « une réussite », a clamé le chef de l'Etat.
Masters d'infirmières coordinatrices
En tête des priorités du nouveau plan, la recherche. Elle devrait directement bénéficier de l’enveloppe budgétaire, notamment les « cinq sites de recherche pluridisciplinaires [qui] seront labellisés par l’Institut national du cancer (INCa) ». L’objectif étant d’impulser une « émulation ». Le président de la République espère également favoriser une plus grande participation des patients aux essais cliniques (50% de plus d'ici à 2013) et consacrer au moins 15% du budget recherche du plan à l’analyse des risques environnementaux et comportementaux, en l’occurrence les effets liés « à certains agents chimiques, biologiques ou physiques ».
La formation des professionnels de santé sera elle aussi concernée. D’une part, il s’agit selon le Président de « viser une augmentation de 20% du nombre » d’oncologues, de radiothérapeutes et d’hématologues, et d’accroître chaque année d’une centaine les effectifs d’étudiants en radiophysique. D’autre part, Nicolas Sarkozy suggère la création de masters dédiés à la formation d’infirmières coordinatrices.
Disparités sociales et régionales
« La deuxième priorité du plan, c’est de réduire les inégalités face aux cancer », a insisté le chef de l’Etat, avant de rappeler que « le risque de mourir du cancer entre 30 et 65 ans est deux fois plus élevé chez les ouvriers que chez les professions libérales ». Et de pointer également les inégalités géographiques. Aussi réclame-t-il des « données de meilleure qualité sur la réalité du cancer dans notre pays ». Il demande donc à l’Institut de veille sanitaire (InVS) de produire dès 2010 des données relatives à l'année 2007.
Passant en revue les facteurs de risques dus au surpoids, à l’alcool et au tabac, le président rappelle plusieurs mesures déjà engagées, notamment la hausse du prix des cigarettes, la mise en place de la commission Danne pour la prévention de l’obésité et le maintien de « la liste hors T2A » pour l’accès aux molécules innovantes. Il propose, en outre, l’achat de 74 IRM (dont 39 destinés au 10 régions souffrant de la plus haute mortalité due au cancer), ainsi que le triplement, de 50 à 150 euros, du remboursement des substituts nicotiniques pour les bénéficiaires de la CMU et les femmes enceintes. Puis il confie aux agences régionales de santé (ARS) le soin de faire croître le nombre de personnes participant aux opérations de dépistage des cancers du sein et du côlon.
Programme personnalisé
Reste à voir « comment on vit après le cancer », comme l’indique le Président, qui envisage de mettre sur pied « un programme personnalisé de l’après-cancer ». Tout en déclarant que « l’on parle de guérison (…) dans un cas sur deux », ce dernier confirme la proposition de la Haute Autorité de santé concernant les affections de longue durée (ALD). Avant de renchérir : « Si quelqu’un guérit du cancer, il n’y aucune raison de penser qu’il est interdit de le faire sortir de l’ALD. » Quant à l’accès à l’emprunt et aux assurances, le chef de l’Etat renvoie à la convention Aeras (« S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », en vigueur depuis 2007) et invite seulement les signataires à la renouveler.
Réactions nuancées
Le discours prononcé face à un parterre de plusieurs centaines de personnes, dont bon nombre d’élus locaux, aura suscité des salves d’applaudissements. Il soulève néanmoins des réactions mitigées. Le président de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), Jacques Raynaud, se félicite des grands axes du plan, notamment de son budget, mais souhaiterait un travail plus important en termes de dépistage. Loin de ces considérations, une infirmière spécialisée en oncologie s’étonne des propos tenus par le président. « Il ne faut pas culpabiliser les patients, déplore ainsi Anissa Ikene, IDE à La Timone. Je trouve dommage que le président ait parlé d’excès dans les comportements des patients… La maladie peut s’abattre sur n’importe qui, même quelqu’un qui a une vie saine ! » Et cette dernière de nuancer l’enthousiame du Président, préférant pour sa part « ne jamais parler de guérison » du cancer.
Marjolaine Dihl
Le discours en vidéo.