Entretien avec le Pr Philippe Berbis, responsable du premier master en sciences cliniques infirmières.
Depuis la rentrée 2009, les infirmières peuvent désormais passer un master professionnel. Comment s’organise-t-il ?
C’est le premier diplôme de ce type à avoir été habilité. Il s’agit plus précisément d’une co-habilitation entre l’Université de la Méditerranée implantée à Marseille et l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) située à Rennes. La première année se déroule entre Rennes et Paris (sous la responsabilité de l’EHESP). Quant à la deuxième année, elle distinguera trois parcours : l’un en cancérologie, un autre en gériatrie et le dernier en coordination des parcours complexes de soin (liés aux chemins cliniques).
Cette partie du cursus s’effectuera à Marseille, essentiellement sous forme de stages, en grande partie au sein de l’Assistance publique. C’est un partenariat harmonieux entre l’AP-HM et l’université, puisque des directeurs d’Ifsi sont partie prenante du conseil pédagogique du master. Lequel est rattaché au domaine « sciences de la santé » de l’Université de la Méditerranée. Bien entendu, la faculté de médecine est également fortement impliquée, vu que la plupart des enseignants universitaires seront des intervenants de cette faculté.
En quoi cette formation se démarque-t-elle ?
C’est une première en France ! On innove au niveau national, mais ce type de formations de pratique avancée existe déjà ailleurs en Europe et aux États-Unis. Des évaluations ont montré leur utilité. Pour notre part, nous avons ciblé les thématiques les plus cohérentes avec les problématiques nationales (cancérologie, gériatrie et coordination des soins). Mais il y a déjà des réflexions concernant la dialyse, la névrologie, la diabétologie ou encore la nutrition. D’autant qu’aujourd’hui, on parle de plus en plus d’éducation thérapeutique et d’implication du patient.
Ce cursus a pour but de conférer aux IDE des compétences élargies. Comment cela pourrait-il se traduire dans les faits ?
Prenons l’exemple de la cancérologie. Aujourd’hui, c’est le médecin qui donne le feu vert pour une chimiothérapie après avoir vu la numération de formule sanguine. Demain, une infirmière de pratique avancée pourrait avoir des compétences dans ce domaine là : l’organisation et le suivi pourrait lui être délégués, dans le cadre d’un projet médical bien défini. Il pourrait s’agir de communication avec le médecin référent, de donner des informations… Choses qu’elle ne peut pas faire aujourd’hui. Pour l’instant, on ne peut rien dire sur l’application pratique en termes de responsabilité et de rémunération. C’est à voir avec les services du ministère. Mais il y aura forcément des implications pratiques, c’est un master professionnel.
Quelles sont les conditions d’accès ?
Il faut être titulaire du diplôme d’État, ou d’une équivalence, en France ou dans l’Union Européenne, et justifier d’au moins quatre ans d’exercice professionnel. Il faut également – en attendant que les infirmières soient titulaires de licences d’ici trois ans – que la candidate ait eu une expérience universitaire. En outre, on examinera aussi l’ensemble du parcours de la postulante. Le dossier doit montrer que cette formation s’inscrit véritablement dans un projet professionnel. D’ailleurs, cette filière étant professionnelle, elle ne dispose pas de doctorat. Il ne sera certes pas interdit aux infirmières ayant obtenu leur master d’enchaîner sur un doctorat (d’une autre filière, ndlr), mais ce n’est pas vraiment prévu.
Propos recueillis par Marjolaine Dihl