Infirmière depuis 2001, cadre de santé depuis 2008, Émilie Stella-Lyonnet est aujourd’hui infirmière de coordination, chargée de projets à Asma. Sa mission : déployer un dispositif innovant d’accompagnement des mineurs dans la prévention du suicide sur toute la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.
« J’avais envie d’une réorientation, j’ai donc quitté l’AP-HM et les milieux très techniques de la réanimation et des urgences pour m’orienter vers la santé mentale », confie Émilie Stella-Lyonnet. Il y a quatre ans, un poste se libère à l’Association pour la prévention du Suicide et du Mal-être chez l’Adolescent (Asma), dirigée par David Soffer, pédopsychiatre. La jeune femme se lance et bascule dans le milieu associatif. Si Asma a vu le jour en 2002 à l’initiative des services d’urgences pédiatriques de la ville de Marseille et de pédopsychiatres libéraux, c’est aujourd’hui un dispositif de veille et d’appui à la coordination autour des adolescents suicidants qui existe à Marseille, Aix-en-Provence et Salon-de-Provence. Il est en cours d’extension dans le Vaucluse et les Hautes-Alpes.
Une veille téléphonique poussée« Ce dispositif est original et subtil, souligne Émilie Stella-Lyonnet, infirmière de coordination et chargée de projets au sein de l’association. Nous réalisons une veille téléphonique auprès des adolescents, passés aux urgences, repérés par les infirmières scolaires ou les psychologues et pédopsychologues de ville, qui ont fait une tentative de suicide ou qui ont des idées suicidaires. Chaque adolescent à un référent Asma qui se met en lien avec lui et sa famille. Les appels se font à J + 10, puis à un mois, deux mois, trois mois, six mois et neuf mois. Pour les adolescents qui sont à haut risque, les appels sont plus nombreux encore. Le but est vraiment de tout faire pour éviter de perdre le contact (téléphonique, sms) avec l’adolescent. Après cette période dite de veille active, nous passons à la veille passive et le jeune peut toujours se tourner vers nous. Nous faisons de l’évaluation du risque suicidaire mais nous ne remplaçons pas le soutien thérapeutique. Nous cherchons à rester en contact avec l’adolescent sans l’envahir. Nous sommes là en soutien, en appui et en renfort à la coordination et au système de soins. L’objectif est d’éviter la rupture dans le parcours de soins de l’adolescent. » Si le protocole de “recontact” concerne le jeune en priorité, son environnement est également concerné : parents, représentants légaux, professionnels qui l’entourent…
Un déploiement en régionCréé en 2018 à Marseille, le dispositif s’est développé dans les Bouches-du-Rhône. Une des missions d’Émilie Stella-Lyonnet est de l’étendre dans le Vaucluse, les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence. « L’objectif n’est pas de créer des antennes dans chaque département mais de centraliser la démarche à Marseille avec une équipe de veilleurs commune, précise-t-elle. Nous allons bien sûr garder le référent par adolescent et l’appui à la coordination. Au sein d’Asma, nous envisageons un pôle Bouches-du-Rhône et un pôle Nord Paca pour les départements du 84, 04 et 05. Le but est de développer et d’étendre le réseau afin de bien identifier les structures et les professionnels impliqués dans les parcours de soins sur chaque territoire. » Tout cela est en train de se mettre en place.
Être dans le soin relationnelCette nouvelle orientation professionnelle convient tout à fait à la professionnelle de santé qui s’est adaptée à de nouvelles modalités : petite structure, équipe réduite, réactivité, flexibilité. « Je ne fais plus de soins techniques mais je suis dans quelque chose de très relationnel qui me convient parfaitement, ajoute-t-elle. Je participe clairement à la qualité des soins. Le contact avec les adolescents demande beaucoup d’écoute, de se remettre tout le temps en question par rapport au discours que l’on tient. En vingt ans de métier, c’est la première fois que je peux être dans le soin relationnel. Asma laisse la place au care. Aujourd’hui, je suis en accord avec mes valeurs. »
Isabel Soubelet