Accès aux soins : les collaborations médecins-IPA doivent se développer | Espace Infirmier
 
Titre de l'image

20/06/2024

Accès aux soins : les collaborations médecins-IPA doivent se développer

Lors des Assises nationales de l’accès aux soins, qui se sont tenues à Vendôme (Loir-et-Cher) le 13 juin, Laurent Salsac, secrétaire adjoint de l’Union nationale des infirmièr·es en pratique avancée (Unipa), a rappelé les freins au déploiement de la profession sur le territoire.

En quoi l’essor de la pratique avancée infirmière est-il lié à l’accès aux soins en France ? Quel est le bilan du déploiement ?

En France, comme dans d’autres pays, c’est une opportunité démographique, la diminution du nombre de médecins, qui a permis le développement de la pratique avancée infirmière. Mais au départ, c’est la volonté de faire bénéficier les patients des compétences infirmières avancées qui explique cette évolution. Cinq ans après l'arrivée des premiers IPA sur le marché du travail, on en compte 2 329 - dont à peu près 300 en ville - selon les chiffres que nous tenons de la Cnam. L’objectif fixé par le Gouvernement était de 5 000 en 2023. En 2024, on n’y est pas. Le bilan est donc contrasté. Le déploiement exige une prise de responsabilité politique, la pratique avancée ne peut survivre à des demi-mesures.

La loi Rist, promulguée en mai 2023, autorise l’accès direct et ouvre la primo-prescription aux IPA en MSP, centres de santé, ESP. Qu’est-ce qui coince ?

La loi, qui permet de faire sauter le protocole d’organisation, a été promulguée. Mais à ce jour, les textes ne sont toujours pas publiés, alors qu’après 1,5 an de travail, ils sont prêts. Il y a une véritable inertie. Il est urgent d’y remédier, d’autant plus depuis que le président de la République a annoncé [le 9 juin] la dissolution de l’Assemblée nationale. Le déploiement est aussi entravé par un autre obstacle : le statut des IPA n’est pas bien défini juridiquement. Ils sont infirmiers, mais pas tout à fait, l’administration ne sait jamais où les mettre dans les textes.

Le manque d’attractivité est un autre frein, selon vous…

À l’hôpital, certains, en devenant IPA, se retrouvent avec des salaires moins élevés que quand ils étaient infirmiers, car ils perdent des primes (ex : prime de nuit). En libéral, le BNC mensuel des IPA, se situe autour de 900 €, soit environ 25 000 € de chiffre d’affaires annuel. Et ce même s’il y a eu des améliorations avec l’avenant 9 de la convention.

Quid des réticences des médecins, est-ce un obstacle ?

Certaines organisations médicales jouent le pourrissement. Sur le terrain, c’est médecin-dépendant. L’IPA a en moyenne 15 ans d’expérience professionnelle, donc elle ne déménage pas immédiatement pour aller faire des consultations dans une MSP qui l’accepte. Mais souvent, elle n’hésite pas à faire 1h, 1h15 de voiture, parce que c’est dans la culture infirmière. La régulation de l’installation est très ancrée. Ce que je regrette lors d’événements qui abordent le sujet, c’est qu’on ne donne pas la parole à des médecins aimant travailler avec des IPA. Or jusqu’à présent, je n’ai pas lu d’article « J’ai travaillé avec une IPA et je me suis enfui ». Je pense que chacun peut trouver le bonheur à sa porte.

Avez-vous des données sur l’impact des IPA en France ?

Il y a des études internationales, pas encore spécifiques en France. Mais les IPA travaillant avec des généralistes récupéreraient en moyenne plusieurs centaines de patients. La Cnam évalue qu’un assistant médical permet au médecin - généraliste ou spécialiste - de prendre 1 à 2 patients supplémentaires par jour. Pour l’IPA, ce serait 5 à 10. Pourquoi ne parie-t-on pas sur un système qui promet cinq fois plus d’entrées ? Peut-être que : le glissement de compétences, pas de problème ; la reconnaissance des compétences, problème. Ça vaut pour tous les paramédicaux.

Que retenez-vous des Assises nationales de l’accès aux soins ?

Ce que je relève, c’est qu’aujourd’hui, on a des élus et des associations qui sont bien plus véhéments que les politiques actuels. J’ai entendu des organisations, des associations, qui veulent mettre des limitations, des conditionnements à l’installation. Un discours qu’on n’entendait pas il y a 5 ans. Je ne sais pas si ça changerait quelque chose, parce que la France est un désert médical. En revanche, je pense que, à partir du moment où de l’argent public est investi dans ces professions, l’Etat, les organisations, sont en droit de demander qu’il y ait des collaborations interprofessionnelles.

Il faut accélérer, selon vous ?

Il ne faut pas attendre 10 ans que les médecins se forment. Parce qu’on voit bien que les jeunes médecins qui s’installent aujourd’hui ne sont pas dans la même démarche que ceux d’avant : en termes de temps de travail, d’investissement, etc. Ce n’est pas 1 médecin qu’il faudra pour remplacer un départ à la retraite, mais 2,5, voire 3. L’accès au soin est une priorité nationale, les collaborations médecins-IPA doivent se développer pour limiter les ruptures de parcours, les errances, les prises en soins tardives, les décès de patients. Les IPA représentent une offre de soins sur laquelle les patients peuvent s’appuyer.

Pauline Machard

À découvrir

Toutes nos formations pour les professionnels de santé.

- Gestes & soins d'urgence
- Douleurs
- Management
- Droit & éthique
- SST
- Santé mentale & handicap


Télécharger le catalogue
Feuilleter le catalogue