Les associations dénoncent le traitement réservé aux étrangers sans papiers par la CPAM de Paris.
L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) s’alarme du traitement réservé aux demandeurs parisiens de l’Aide Médicale d’Etat (AME). Depuis décembre dernier, la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Paris a en effet décidé de modifier les modalités d’accueil et de traitement des demandes d’accès aux soins des migrants sans titre de séjour. Alors que le système permettait au préalable de recueillir les demandes dans vingt établissements hospitaliers et quatre centres d’assurance maladie, l’administration a réduit ces points d’accueil à deux centres, censés répondre aux 65 000 demandes annuelles. « On voit mal comment deux centres pourraient traiter les 270 demandes quotidiennes qui leur sont soumises », fait remarquer Caroline Izambert, d’Act Up, une des associations membres de l’ODSE.
« Ces vingt centres c’était déjà un peu la sécu des pauvres, explique Didier Maille, responsable du service social et juridique du Comité médical pour les exilés (Comede). Ils recevaient ensemble les demandes de CMU, de CMU-C, d’AME… Mais au moins ne concentrait-on pas dans un même lieu tous les étrangers en situation irrégulière. » Les associations soulignent ainsi le traitement discriminatoire réservé aux migrants sans papiers : « Il y a un tri qui se fait entre les usagers de droit commun, et les autres, qui doivent faire la queue pendant des heures et à qui l’on ne propose plus d’assistance au remplissage des dossiers. Ce sont d’ailleurs des vigiles qui examinent les dossiers et ne font entrer à l’intérieur que ceux qui sont complets », s’insurge Tony Fortin, membre de Aides.
Le procédé risque par ailleurs d’exposer les migrants à des interpellations policières et de créer un sentiment d’insécurité chez les demandeurs. « Avec les recommandations actuelles du ministère de l’Intérieur, et la course au chiffre pour expulser des sans-papiers, on ne peut pas dire que cela créé des conditions de confiance », résume Caroline Izambert.
« Des méthodes contestables »
Enfin, les problèmes de traçabilité et de suivi des dossiers, auxquels la réforme est censée apporter une solution, ne semblent pas résolus. « Le circuit n’est pas forcément simplifié puisque certains bénéficiaires ont dû aller chercher leur carte d’AME dans un troisième site », note Thierry Fortin. A la moindre pièce manquante, la personne est renvoyée et on lui conseille d’envoyer un dossier complet par courrier, ce qui mène souvent, faute d’une bonne compréhension du français, à l’envoi de pièces originales que les demandeurs ne pourront récupérer. « Et pour ceux qui avaient envoyé leur dossier par courrier avant le nouveau dispositif, les dossiers ont disparu et ils doivent reprendre la procédure, ajoute Caroline Izambert. En fait, le but de cette réforme est de faire diminuer le nombre de demandes, avec des méthodes contestables. Ce comportement contribue par ailleurs à retarder encore une prise en charge médicale, qui finira par retomber sur les urgences hospitalières dont on sait combien elles sont déjà en difficulté… »
Les associations membres de l’ODSE (Médecins du Monde, le Comede, Act Up Paris, Catrede, la Cimade, la Ligue des droits de l’homme, etc.) demandent donc que le traitement des demandes d’AME réintègre les centres de sécurité sociale de quartier, et que la CPAM mette fin à une politique de réduction des moyens qui frappe d’abord les plus précaires.
Sollicitée, l’Assurance Maladie n’a pas répondu à notre demande d’interview. Cependant, depuis quelques jours, effet de la campagne de presse de l’ODSE ou d’une remontrance en interne à la CPAM, les files d’attente semblent avoir disparu des trottoirs, et les vigiles ont été réintégrés dans leur mission initiale…
Sandra Mignot
Photo: © Marco Antonio Fdez. - Fotolia.com