Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, certains services des hôpitaux de l’AP-HP sont en grève… Ici pour dénoncer les effets des restructurations en cours, là pour dénoncer le manque de lits et ou de personnel. Echos des urgences de l’hôpital Georges Pompidou, et de service de pneumologie de Saint-Antoine...
« Nous menons, certes, un combat local. Mais un combat emblématique des maux actuels de l’hôpital public. » Pour Dimitri Boibessot, délégué FO et infirmier aux urgences de l’hôpital européen Georges Pompidou (HEGP), la coupe est pleine. « Nous avons habituellement entre 8 et 20 pré-portes - des patients des urgences qui devraient être hospitalisés dans différents services de l’hôpital mais qui n'ont pas de place – qui attendent dans les couloirs, sur des brancards. Et même s'il y a des lits libres ici ou là, on nous dit qu’ils sont programmés pour de futurs patients et ne peuvent pas être utilisés. » Or l'attente peut être longue, très longue. Plusieurs heures, parfois même des journées ou des nuits entières.
Le vécu des urgences de l’hôpital Pompidou n’est pas nouveau : les équipes, qui prennent en charge quelque 50 000 personnes par an, dénoncent le manque de lits depuis près de dix ans – quasiment depuis l’ouverture de l’HEGP. Elle n’est pas non plus, loin de là, unique en France. Mais, lassés d’avoir le sentiment de ne plus pouvoir exercer correctement leur métier, les soignants de Pompidou ont décidé que « trop c’était trop. » Laisser des patients, souvent âgés, perdus, une nuit entière sur un brancard, « c’est inhumain, indigne. C’est de la maltraitance ! » tonne Noémie, infirmière.
« Des groupes de travail, qui doivent rendre leurs conclusions au plus tard le 31 mars prochain, ont certes été mis en place par la direction. Mais ce que l’on craint, c’est qu’encore une fois, on ne nous propose que des solutions éphémères pour parer à cette situation de crise », rajoute Janick, elle aussi infirmière. « Mais pour nous, le provisoire, cela devient inacceptable. Ce que nous réclamons, ce sont des lits dédiés prioritairement aux urgences. Les différents chefs de service, et la direction, doivent voir comment régler le problème », explique Dimitri Boibessot. Le délégué FO est cependant loin d’être optimiste – « les échanges de mails entre chefs de service se succèdent sans que rien n’avance », fait-il remarquer. Mais le personnel et l’intersyndicale entendent bien rester mobilisés. Il y a deux jours, la grève a été reconduite en assemblée générale. Et une pétition de soutien au mouvement a récolté quelque 2 000 signatures, parmi le personnel et les usagers de l’hôpital. « Nous allons tenter de maintenir la pression », promet Dimitri Boibessot.
Restructurations contestées
Dans l’Est parisien, c’est le service de pneumologie de l’hôpital Saint-Antoine qui est en grève, depuis… le 31 novembre dernier ! L’objet de la colère de l’équipe, soignante et médicale : le transfert prévu de l’activité de pneumologie de Saint-Antoine vers l’hôpital Tenon. Ici, plus que sur les craintes en matière de suppression de postes, c’est sur les conséquences en termes de qualité des soins que la colère de l’équipe fuse. « Ce transfert, c’est, déjà, une diminution de l’offre de soins dans l’Est parisien. C’est, aussi, une crainte en matière d’accompagnement soignant – à Saint-Antoine, il y a une infirmière pour huit patients, et plusieurs lits dédiés soins palliatifs, quand, à Tenon, c’est une infirmière pour douze patients et un nombre de lits palliatifs moindre » explique Morgane Toubon, infirmière. « Sans compter, rajoute-t-elle, qu’à Tenon, la moitié des chambres du service de pneumo n’ont pas de douches individuelles. » La direction argue que l’hôpital Tenon dispose de services de radiothérapie, de chirurgie thoracique, et d’imagerie… dont la proximité sera bénéfique pour les patients. « Mais, répond Morgane Toubon, pour l’imagerie, on doit déjà envoyer 80 % de nos patients dans le privé car Tenon n’a pas les moyens de tout absorber. Même chose pour la radiothérapie – là aussi, nous devons envoyer quelque 50 % de nos patients vers le privé car les délais d’attente à Tenon sont trop longs. » La mobilisation du service a cependant peu fait bouger les lignes côté direction. Le projet a, certes, évolué depuis sa version de départ – dans sa version actuelle, la quatrième, des lits d’aval d’urgence, avec vacations de pneumologie, sont ainsi censés rester à Saint-Antoine. Mais le transfert est toujours à l’ordre du jour, et devrait se faire d’ici la fin de l’année. « Nous restons ceci-dit mobilisés, souligne Morgane Toubon. Car, si nous pouvons comprendre que la logique des soignants et celle de la direction ne soient pas les mêmes. Si nous ne nions pas les problématiques économiques auxquelles est confronté l’hôpital public. Nous ne pouvons par contre accepter des restructurations qui se font à l’encontre des besoins de santé de la population, et sans même impliquer et informer les équipes. »
Emmanuelle Debelleix