Près de 200 organisations préparent des mobilisations dans une cinquantaine de villes pour défendre l’accès aux soins pour tous.
A Paris (Bastille), à 14 h 30 ; devant les Agences régionales de santé (ARS) de Clermont-Ferrand, Rennes ou Nancy ; devant des établissements de santé à Charleville, Nantes ou Niort… Pour défendre le service public de santé et le droit aux soins pour tous, des manifestations sont prévues le samedi 2 avril, pour le moment dans une cinquantaine de villes réparties dans la plupart des régions de France (1).
Les organisateurs de cette journée se targuent déjà d’une victoire. Celle d’avoir fédéré un nombre élevé d’organisations nationales (80) ou plus locales (une centaine), et de natures différentes : syndicats, partis politiques, associations d’usagers et personnalités comme le professeur André Grimaldi (2).
Interrompre les restructurations
Le souhait, dans l’immédiat, est de résister à la « casse » du système de santé. D’interrompre toutes les restructurations, avant de renégocier, de réfléchir et de débattre (par exemple lors d’états généraux de la santé) puis de « reconstruire ».
« On sait ce qu’on ne veut plus », explique Michel Antony, président de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux et maternités de proximité. « La santé française reste de bon niveau, dit-il, mais elle a subi une dégradation rapide ces dernières années, surtout dans la santé publique au sens large du terme. » Les initiateurs de la mobilisation dénoncent – entre autres – le manque de recrutements de médecins et d’infirmières, la chute du nombre de lits, la fermeture de « plus de la moitié des maternités » depuis les années 1980, les menaces sur les urgences, l’augmentation des coûts et des risques pour les patients, l’accélération de la privatisation. La loi Hôpital, patients, santé et territoires est accusée d’aggraver les dégâts et les ARS d’être « les épées du ministère dans les régions ».
Comme à France Télécom
La tendance aux regroupements d’établissements ne bénéficie même pas aux gros centres, selon Michel Antony. Car ces derniers « disposent de personnels en moins pour gérer des patients en plus. Les personnels hospitaliers, notamment, sont dans un stress et des difficultés extraordinairement grandes. Il y a une perte du sens de ce qu’étaient le service public et leur propre profession. Face à de tels obstacles, dans l’impossibilité de gérer de manière humaine les gens qui viennent les voir, ils décrochent... Ils connaissent ce qu’ont connu les employés de France Télécom », ancien géant public aujourd’hui privatisé et récemment pointé du doigt pour ses méthodes de management. Michel Antony, lui, n’est pas forcément hostile aux regroupements d’établissements, à condition qu’ils se fassent dans le cadre de « réseaux solidaires et démocratiquement choisis ».
Des luttes payantes
Le constat est sombre, mais pas question de sombrer dans la morosité. Dans le passé, « la mobilisation a permis d’obtenir des reculs », se félicite la vice-présidente de la Coordination des comités de défense, Françoise Nay. Parmi les plus récents, le maintien éventuel de la radiothérapie à l’hôpital d’Argenteuil (Val d’Oise), la réouverture du service de radiothérapie à l’hôpital de Guéret (Creuse) ou celle du centre IVG de l’hôpital Tenon (Paris, AP-HP).
La réouverture de ce centre, « bien sûr c’est une victoire, et une belle victoire, se réjouit la militante Josée Pépin. Mais ce n’était pas normal qu’il ferme. On a gagné ce qui est notre droit : le droit des femmes à disposer de leur corps. » Et de raconter : « Le centre avait fermé en catimini, les syndicats n’étaient pas au courant : nous l’avions appris par une infirmière scolaire de collège. » La lutte, « partie de l’Association pour les droits des femmes du XXe » (arrondissement de Paris, ndlr) puis élargie aux syndicats, aux organisations politiques et aux associations, a duré dix-huit mois, avec tracts, pétition signée par 8 000 personnes et réunions « tous les quinze jours, même pendant les vacances. C’est enthousiasmant, la lutte. »
Texte et photo : Mathieu Hautemulle
1- Le détail sur www.coordination-nationale.org
2 - Les infirmières sont représentées nationalement à travers, notamment, la CGT et Sud et via des organisations locales.
La présidentielle en ligne de mire
La conférence de presse annonçant la mobilisation nationale du 2 avril s’est tenue à l’Assemblée nationale. Une façon d’inviter les partis politiques à se mobiliser sur cette question, confie Michel Antony, l’un des moteurs de la manifestation – il aurait aussi apprécié que cette réunion se tienne dans un autre lieu symbolique, la Ligue des droits de l’homme.
Cette journée de mobilisation ne se veut qu’une étape. Une façon de créer un rapport de forces et d’imposer la santé dans le débat public, un an avant l’élection présidentielle. « Quand on parle d’égalité et de solidarité, quand on dit que la santé doit être accessible partout, pour tous et à toute heure, on revendique un choix de société, conclut Michel Antony. Si les partis et autres composantes de 2012 n’en tiennent pas compte, ils n’auront pas ma voix. » M. H.