18/04/2014

Hôpital : le travail à l’épreuve
des réformes

Intensification des rythmes, flexibilité accrue, perte de sens, manque de temps d'échanges… Selon une étude du Centre d’études de l’emploi (CEE) parue en avril, la soutenabilité des réformes hospitalières bute sur la question des conditions de travail.

« Les débats qui ont accompagné les réformes hospitalières se sont surtout focalisés sur la maîtrise des dépenses, la qualité des soins et l’avenir de l’hôpital public », laissant « en arrière-plan le travail des professionnels de santé », observent Mihaï Dinu Gheorghiu et Frédéric Moatty, du CEE. Or, avec l’introduction progressive depuis 2004 de la T2A comme mode principal d’allocation des ressources aux établissements, « le coût du travail, et donc, l’emploi (1), est devenu une variable essentielle d’ajustement », notent-ils.

Entre 2005 et 2009, dans les établissements publics de court séjour, l’augmentation de l’activité a été plus rapide que celle des effectifs (sauf pour les médecins). Une réalité qui peut correspondre soit à une meilleure organisation, soit à une augmentation de la charge de travail des personnels.

Recours aux faisant fonction

De fait, depuis 2006, la T2A est associée à l’état des prévisions de recettes et de dépenses, outil de pilotage financier et budgétaire conçu pour ajuster les prévisions et réalisations d’activité en cours d’année. Les effectifs rémunérés, médicaux ou non, sont ainsi adaptés à la hausse ou à la baisse. « En cas d’incertitude sur les recettes, ce pilotage incite à pourvoir les postes par des contrats de court terme, voire à ne pas les pourvoir », relèvent les auteurs. D’une manière générale, les établissements en sont réduits à trouver un équilibre « délicat entre ne pas pourvoir des postes, ce qui occasionne des économies, et les pourvoir, ce qui engendre de l’activité ».

Les vacances de postes en raison de la pénurie de candidats sur certains métiers mettent aussi les effectifs sous tension. Il faut alors trouver des ruses : délégation de tâches, transfert de compétences ou formation en interne. Les faisant fonction fleurissent. Tel DRH dont l’établissement n’emploie qu’un tiers d’infirmiers de bloc diplômés regrette, ainsi, que cela ne soit « pas possible pour les anesthésistes ».

Priorité aux tâches techniques

Pour faire face aux difficultés de recrutement, les établissements adoptent diverses stratégies : pool de remplaçants, intérim, heures supplémentaires, etc. L’accentuation des contraintes est plus particulièrement perçue par les soignants : « On va regarder dans tous les secteurs si tous les agents (…) sont occupés au maximum, si on ne peut pas leur en faire faire davantage », témoigne un cadre supérieur de santé, admettant que « le comment on va leur rendre ou rétribuer n’est pas réglé ».

"La pression sur les rythmes va de pair avec des reconfigurations du travail infirmier, qui donnent la priorité aux tâches techniques au détriment des tâches relationnelles et d'écoute", relèvent les auteurs de l'étude. Surtout, l’alourdissement des charges de travail se heurte au vieillissement des effectifs, concomitant à un afflux de « patients, surtout en gériatrie, qui sont de plus en plus lourds », pointe un DRH : « C’est quelque chose qu’on commence tout juste à voir se dessiner et qu’on n’a pas assez anticipé. » 

Cécile Almendros

 

1 – Les dépenses de personnel représentent environ les deux tiers de celles d’un établissement de santé.