Autisme : la HAS désavoue la psychanalyse | Espace Infirmier
 
Autisme : la HAS désavoue la psychanalyse

15/03/2012

Autisme : la HAS désavoue la psychanalyse

Les recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des enfants autistes publiées jeudi dernier par la HAS et l’Anesm privilégient les prises en charge éducatives et comportementales, estimant qu’on ne peut conclure à la « pertinence » des approches psychanalytiques.

Au vu de l’intensité, voire de la férocité, des débats relatifs à la prise en charge de l’autisme, les recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des enfants et des adolescents souffrant d’autisme et autres troubles envahissants du développement (TED) de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) étaient, pour le moins, attendues. Jeudi dernier, ces deux instances ont tranché :  « plus de trente ans après leur apparition, l’absence de données sur leur efficacité et la divergence des avis exprimés ne permettent pas de conclure à la pertinence des interventions fondées sur les approches psychanalytiques et la psychothérapie institutionnelle », écrivent-elles, dans le chapitre de leur rapport consacré aux « interventions globales non consensuelles. »
La prise de position de la HAS et de l’Anesm n’a pas vraiment surpris jeudi dernier. Quelques semaines plus tôt, une version non définitive du rapport avait en effet fuité, et avait été dévoilée par le journal Libération, en date du 13 février. Seule modification dans la version définitive : les approches psychanalytiques font finalement partie de la catégorie des approches « non consensuelles » mais plus de celle des approches « non recommandées. » Il n’empêche, le désaveu est là.
Dans leur rapport, la HAS et l’Anesm se prononcent aussi sur le packing – une méthode consistant à envelopper un enfant autiste dans un linge humide pour tenter de lui faire reprendre conscience de son corps – très décrié par les associations de familles. A l'exception des essais cliniques autorisés (le seul en cours étant actuellement mené par l’équipe du Pr Delion, au CHRU de Lille), la HAS et l’Anesm se déclarent « formellement opposées à l’utilisation de cette pratique », « en l’absence de données relatives à son efficacité ou à sa sécurité » et «du fait des questions éthiques soulevées par cette pratique et de l’indécision des experts. »
 
Approches éducatives et comportementales préconisées
Fruit d’un travail de deux ans ayant mobilisé 145 experts, et quelque 180 organismes ayant répondu à une consultation publique, les recommandations de la HAS et de l’Anesm augurent d’un probable changement de cap dans la prise en charge de l’autisme. D’autant qu’elles ne se contentent pas de désavouer les approches psychanalytiques : elles recommandent, officiellement, des méthodes longtemps considérées en France comme des solutions alternatives, les méthodes éducatives et comportementales. Une première, dans l’hexagone, et une victoire pour beaucoup d’associations de parents d’enfants autistes, qui sont quasiment toutes vent debout contre la psychanalyse.
Largement utilisées à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons, les approches éducatives et comportementales (type ABA ou Teacch), basées sur des apprentissages répétés, fait donc désormais partie des « interventions recommandées. »
Le rapport préconise qui plus est une prise en charge précoce, estimant que « des interventions personnalisées, globales et coordonnées, fondées sur une approche éducative, comportementale et développementale » doivent pouvoir être mises en place avant les 4 ans de l’enfant et dans les trois mois suivant le diagnostic. La prise en charge des enfants autistes doit aussi être « personnalisée », insistent HAS et Anesm, qui préconisent d’évaluer « au minimum une fois par an » le projet de prise en charge de chaque enfant. Et elle doit être « globale »  et « coordonnée » entre les différents acteurs impliqués – éducateurs, soignants, école, et, bien sûr, famille.
 
Pas de méthode « exclusive »
La HAS et l’Anesm insistent : les prises en charge ne doivent jamais être « imposées », mais « toujours être proposées » aux familles et aux enfants. Selon les deux institutions, il ne saurait d’ailleurs y avoir une méthode « exclusive » de prise en charge. La HAS et l'Anesm recommandent de « mettre en place une approche transdisciplinaire, tant dans l'évaluation que dans la mise en oeuvre et la coordination des interventions éducatives et thérapeutiques, et de définir en amont les règles de fonctionnement de cette transdisciplinarité entre intervenants de spécialités différentes d'une même équipe, voire d'institutions différentes. »
Quant aux médicaments, le rapport rappelle qu’il n’en existe aucun susceptible de guérir l’autisme, même si les psychotropes « peuvent être considérés en seconde intention (dépression, anxiété, troubles du comportement) », s’ils sont « prescrits de manière exceptionnelle et temporaire. » 
 
Quels moyens ?
Ces recommandations de bonnes pratiques, qui avaient été demandées à la HAS et à l’Anesm dans le cadre du Plan autisme 2008-2010, inaugurent-elles d’un véritable changement dans la prise en charge de l’autisme ? Très probablement. D’autant que le directeur de l’Anesm, Didier Charlanne, a précisé, lors de leur présentation, qu’elles feraient partie des éléments d'évaluation des établissements et services médico-sociaux, celle devant être achevée d'ici le mois de janvier 2014.
Reste qu’au-delà de ce rapport, une question essentielle demeure : de véritables moyens seront-ils, enfin, dégagés pour accompagner les enfants et adolescents autistes ? Ancien chef de service de neuropédiatrie à l’hôpital Robert Debré (Paris), et président du groupe de pilotage sur l’autisme à la HAS, Philippe Evrard s’est lui-même interrogé sur ce point lors de la présentation du rapport. Estimant que ces recommandations constituaient, selon lui, « une révolution positive en faveur des personnes autistes », il l’a souligné : rien ne pourra se faire sans dégager des moyens, notamment en matière de dépistage et de structures d’accueil. Des moyens qui, pour le moment, manquent toujours cruellement.
 
Emmanuelle Debelleix
Phto:
©DOCSTOCK/BSIP

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