© Look and Learn/Peter Jackso
C’est une icône de l’histoire britannique. Florence Nightingale, fille de bonne famille du XIXe siècle, s’est engagée auprès des blessés de guerre et des malades. Ces expériences lui ont permis de poser les bases du métier d’infirmière moderne. La documentariste Aurine Crémieu retrace sa vie d’engagement, en hommage aux soignants d’aujourd’hui, avec « Florence Nightingale, la première des infirmières », à voir sur Arte.tv jusqu’au 19 avril.
Pourquoi, aujourd’hui, un documentaire sur Florence Nightingale, pionnière infirmière britannique du XIXe siècle ?
Cela faisait plusieurs années que je voulais réaliser un film autour des soignants. Bien avant la pandémie de Covid. J’avais été alertée et indignée par une lettre ouverte à l’attention de Marisol Touraine, à l’époque ministre de la Santé sous François Hollande, après une vague de suicides chez les soignants. On sous-estime l’épuisement et la fatigue vécus par eux, et la difficulté de faire face à la dégradation des soins, des hôpitaux… Un ami producteur m’a parlé de Florence Nightingale, que je ne connaissais pas. Je me suis documentée et plongée dans sa vie.
Avez-vous trouvé suffisamment de littérature ?
Anglophone, oui ! En France, elle est peu connue. Parce que les congrégations religieuses avaient la mainmise sur les soins jusque dans les années 1950. Nightingale était croyante mais avait une profonde conviction de laïcité pour ce métier. La professionnalisation et la formation des infirmières étaient très prises au sérieux dans les pays anglophones. C’est une star au Canada, en Australie, en Angleterre et en Inde où des centaines d’écoles d’infirmières s’appellent Florence Nightingale. C’est un personnage que l’on enseigne même à l’école. En France, il y a un élitisme qui a poussé à ne s’intéresser qu’aux médecins, aux grands scientifiques mais pas aux classes laborieuses qui sont en premières lignes.
Dès les années 1850, elle innove et révolutionne le soin en pleine guerre de Crimée…
C’est l’urgence qui la pousse à innover. Elle observe beaucoup. Et fait preuve de bon sens. Elle découvre des conditions d’une terrible insalubrité. Elle comprend vite que la crasse et la promiscuité sont pour beaucoup dans la contagion. Les maladies font alors plus de victimes que les combats. Il faut plus d’hygiène ! Par déduction, elle écarte les lits, les paillasses des blessés.
C’est à partir de là qu’elle va conceptualiser ses préceptes…
Elle est contemporaine de Pasteur, de Lister, de tous ces scientifiques qui travaillent sur les bactéries, les vaccins, ce qui est antiseptique… C’est une réflexion qui est en marche dans la communauté scientifique mais qui ne l’était pas du tout sur le terrain. Elle se saisit de toute cette pensée pour l’affiner et pour inventer le métier d’infirmière, pour avoir une méthodologie de travail et permettre à des jeunes femmes de se former, d’apprendre un métier. Et réformer la santé publique. Elle vient de la haute société, elle a une culture qui lui permet de le faire.
Ce parcours implique-t-il une meilleure considération des infirmières outre-Manche ?
Absolument. Les diplômes et les écoles dans les pays anglo-saxons sont beaucoup plus valorisants. Les infirmières sont mieux rémunérées, même si en Angleterre, on l’a vu avec la pandémie, leur salaire est gelé depuis une dizaine d’années. Mais structurellement, c’est une profession beaucoup plus valorisée. C’est pareil aux États-Unis.
En quoi son parcours peut inspirer en France ?
Je n’ai pas la prétention de réformer le système. Nos instituts de formation sont très bons. Le problème, c’est la crise des vocations. Il faut s’inspirer du parcours de Nightingale pour rééquilibrer, revaloriser. Il s’agit de combat, d’inspiration, de souffle. II faudrait surtout que les personnes soignées prennent conscience de la responsabilité que les infirmières ont, de l’empathie qui les anime, des qualités dont elles font preuve. C’est bien de rappeler que ce sont des métiers d’engagement qu’on fait parce qu’on y croit, parce qu’on est dans une démarche d’attention aux autres. Ce film s’adresse autant aux soignants qu’aux patients.
Propos recueillis par Thomas Laborde
LE DOCUMENTAIRE
Florence Nightingale, une vie d’engagements
Nurse. Au XIXe siècle, c’était un métier réservé aux classes populaires. Qu’importe, à 25 ans, Florence Nightingale, fille de bonne famille, annonce à ses parents que c’est ce qu’elle veut faire. Quelques années plus tard, après avoir appris seule et une courte formation auprès de diaconesses, elle est envoyée à Constantinople pour soigner les blessés de la guerre de Crimée qui fait rage dans les années 1850. Son sens de l’hygiène fait chuter le nombre de morts. Ses rapports sur les hôpitaux militaires sont publiés et une réforme de la santé publique s’engage. En 1860, elle crée la première école d’infirmières de l’empire britannique. Et inspirera la médecin Anna Hamilton qui crée une école d’infirmières inspirée de ses préceptes, à Bordeaux, quelques petites décennies plus tard. Le fascinant documentaire, ponctué de quelques reconstitutions, Florence Nightingale, la première des infirmières retrace cette vie extraordinaire et avant-gardiste d’innovation, de réflexion, d’engagements, de soins et éclaire l’ampleur de son héritage.
Florence Nightingale, la première des infirmières, est à voir sur Arte.tv jusqu’au 19 avril 2022.
À LIRE ÉGALEMENT
Bonomo C., « Florence Nightingale (1820/1910). Il y a 100 ans, la première lueur du prendre soin… », Objectif Soins & Management, n° 274, avril-mai 2020.