CHD Vendee
Entre La Roche-sur-Yon et Les Sables d’Olonne, c’est l’heure du remembrement sanitaire. Les hôpitaux de Vendée tablent sur l’essor des Infirmiers en pratique avancée (IPA) pour répondre aux défis sanitaires du moment. Une petite vingtaine ont été formés. Et ce n’est pas fini, les effectifs devraient doubler dans 2 ans.
Doucement, mais surement, l’IPA s’invite dans le paysage sanitaire français. Et, moins de 10 ans après la loi Touraine, qui a rendu possible ce nouveau métier entre corps médical et infirmier, ce sont les périphéries qui donnent l’exemple. Comme en Vendée où le GHT accompagne des infirmiers dans leur reconversion. Et médecins, soignants et cadres de santé se réjouissent de la dynamique mise en place.
Julien Charrier fait partie des premières promotions à endosser le rôle. Diplômé IDE en 2010, il a d’abord investi la gériatrie, avant de postuler dans le service de pneumologie de La Roche-sur-Yon en 2017. « Au bout de 5 ans, je souhaitais évoluer. Cela faisait déjà 13 ans que j’étais infirmier ; devenir IPA, c’était obtenir d’avantage d’autonomie et donner du sens à ma pratique » explique, enthousiaste, le jeune professionnel, sorti frais émoulu en juin de 2 ans de formation en sciences infirmières à Nantes.
L’année précédente, sa consœur, Nadège Le Piouffle avait négocié une (ré)orientation similaire. Depuis son arrivée au CH Vendée à la fin des années 90, la soignante se trouve à l’aise en gériatrie, « parce que c’est une discipline pas uniquement centrée organes », affirme-t-elle. Mais, après un DU de gériatrie, « l’envie d’évoluer » lui a fait entreprendre la formation d’IPA : « j’avais entendu parler de ce nouveau diplôme. Il y a 4 ans, j’ai proposé mon projet à la cadre de santé et au médecin du service, avant sa validation par l’Université. »
DE NOUVELLES FAÇONS DE FONCTIONNER
Comme eux, ils sont à ce jour 18 à exercer ces nouvelles fonctions dans les établissements de Vendée. Et, comme l’expose Laurence Halna, ce n’est pas fini, puisqu’ils devraient être 40 infirmiers à épouser ce statut en 2026. Cette coordonnatrice générale des soins du CHD Vendée [https://www.chd-vendee.fr/] insiste sur le terreau particulier qui a favorisé ici l’émergence de ce nouveau métier, autour du triptyque : vieillissement de la population, essor des maladies chroniques et crise de la démographie médicale. Autre facteur favorisant entre La Roche-sur-Yon, Fontenay-le-Comte, Challans et les Sables d’Olonne : l’attitude ouverte des médecins des établissements. « On a la chance ici d’avoir un corps médical qui est très proactif », souligne-t-elle, à l’unisson des IPA concernés.
Et dans ce contexte, la dynamique suit. Malgré une mise en place récente, le “laboratoire” vendéen peut déjà se targuer de changements notables. Pour les soignants comme pour les patients, le modèle IPA inaugure ici de nouvelles façons de fonctionner : plus d’autonomie pour les premiers et un accès plus direct avec les professionnels pour les seconds. « Maintenant, je suis seule en consultation et pour des créneaux qui durent parfois plus d’une heure » témoigne Nadège Le Piouffle. Elle évoque son vécu de soignante en hôpital de jour avec la possibilité de revoir les patients en intermédiaire, à distance d’un rendez-vous pluridisciplinaire avec le médecin, mais aussi la possibilité de s’investir à la fois dans la thérapie et dans l’éducation thérapeutique.
Même ressenti chez Julien Charrier qui assure désormais le renouvellement des ordonnances de chimiothérapie ou d’immunothérapie, rédige les comptes rendus de passage en hôpital de jour, met en place l’organisation des soins de support et appelle les patients à domicile pour évaluer leur état. Avec pour conséquence de diminuer le temps de présence du malade à l’hôpital : « si le scanner n’est pas bon, on reportera la chimio et cela permet d’éviter ainsi les allers-retours inutiles », rapporte-t-il. Au-delà, l’approche territoriale qui implique une demi-douzaine d’établissements permet la mise en place de consultations délocalisées. Récemment, le renfort d’un IPA a même permis de maintenir l’activité ambulatoire lors d’absences médicales imprévues aux Sables d’Olonne, en oncologie.
UNE COLLABORATION INÉDITE AVEC LE CORPS MÉDICAL
Reste que si l’expérience vendéenne fonctionne, c’est à la faveur d’une redéfinition des rapports professionnels, qui ne laisse rien à l’improvisation. Les journées d’Émilie Vincent, IPA en néphrologie ont été réorganisées. Comme sa consœur Béatrice Durand, elle travaille désormais en collaboration avec les médecins traitants pour le suivi des patients. « Certaines demi-journées sont consacrées aux consultations. Les autres sont dédiées aux dossiers, aux prises de rendez-vous et à la coordination avec les autres professionnels qui interviennent auprès du patient » rapporte-t-elle.
Avec les médecins, le partage de compétences obéit à un cadre précisément défini. Selon le décret de compétence, l’IPA dispose d’un droit de prescription, uniquement en deuxième intention. « Pas question de dépasser mes compétences, insiste Julien Charrier. Dès qu’un patient ne va pas bien, je sollicite le relais des médecins. Ils sont très accompagnateurs et bienveillants ; et reconnaissants aussi, car ils se rendent compte de la qualité du travail fourni. Quand j’ai un doute diagnostic - suspicion de polynévrite par exemple - j’interpelle toujours le médecin », abonde sa consœur, Nadège Le Piouffle.
DES SOUHAITS D’ÉVOLUTION
Et demain ? À entendre les intéressés et les responsables hospitaliers, on n’imagine pas un retour en arrière une fois le creux de la démographie médicale passée. « Malgré la nécessité de suivre deux ans de formation, nous n’avons pas de difficulté à trouver des IDE intéressés par cette spécialisation, » explique, sereine, la Coordonnatrice générale des soins des hôpitaux de Vendée.
L’avenir de la profession semble donc assuré. Pourtant, la plupart des acteurs de santé conviennent qu’il y a encore des améliorations à apporter au modèle. D’aucuns pointent l’insuffisance de la rémunération, guère plus élevée qu’une infirmière. Et il reste beaucoup à faire pour organiser la mobilité professionnelle dans cette nouvelle profession. Au sein des 5 créneaux (maladies chroniques stabilisées, onco-hémato, maladies rénales, psychiatrie ou urgence) ouverts aux IPA, les passerelles ne sont guère possibles, sauf à refaire une année de formation. « L’IPA dispose d’un champ d’expertise spécifique, qui avec le temps pourrait s’avérer enfermant. Il y a sans doute des évolutions de carrière à imaginer », prévient Laurence Halna.
Jean Paillard