Après un an d’activité, deux services de soins infirmiers à domicile créés par une fondation francilienne livrent un bilan encourageant. D’autres projets devraient suivre.
Après 20 heures, ou avant 7 heures du matin, comment aider une personne dépendante à se coucher ou se laver, ou rassurer un aidant chargé de réaliser des injections ? Confrontées à un engorgement des services d’hospitalisation à domicile, à un recours souvent inapproprié aux services d’urgences et à une pénurie d’infirmières libérales, les équipes de la Fondation hospitalière Sainte-Marie, à but non lucratif, ont tenté une expérience pour assurer la continuité des soins : créer un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) intervenant, toute la semaine, hors des horaires habituels.
« En 2005, lorsque nous avons commencé à travailler à ce projet, il n’existait, en France, que quelques services œuvrant la nuit, notamment grâce à des auxiliaires de vie. Mais ils manquaient de financements pérennes ou de reconnaissance par les autorités de tarification », se souvient David Viaud, directeur général de la fondation. Après trois ans de démarches auprès des instances compétentes (Ddass, Crosms (1), préfectures), deux Ssiad ont vu le jour en Seine-Saint-Denis (octobre 2008) et à Paris (mars 2009).
Le bilan, sur un an, s’avère « plus que positif », estime David Viaud. 112 adultes handicapés ou personnes âgées de plus de 60 ans ont pu être suivis dans 13 villes de Seine-Saint-Denis, et 124 dans six arrondissements du sud et de l’ouest de Paris. Soit, pour 145 places, 236 bénéficiaires. Les prises en charge concernent quatre pathologies lourdes : maladies neurologiques et cardio-vasculaires, troubles de l’appareil locomoteur, cancers. Les soins, sur prescription médicale, sont entièrement couverts par la Sécurité sociale.
Couchers plus tardifs
Dans chaque département, un infirmier coordinateur veille toute la nuit, assisté jusqu’à 23 heures de 16 aides-soignantes à Paris, et de huit plus un infirmier en Seine-Saint-Denis. Soins d’hygiène ou de confort, suivi des traitements, prévention des escarres, de la déshydratation, des chutes… les missions ne diffèrent pas de celles d’un Ssiad de jour, mais les patients concernés présentent des situations globalement plus lourdes. « On intervient lorsque le quotidien n’est plus gérable », explique Ali Chaoui, infirmier coordinateur en Seine-Saint-Denis.
En termes de qualité de vie, les gains sont très concrets. « Un jeune adulte handicapé de 40 ans déplorait que le Ssiad de jour le faisait se coucher à 17h30, raconte David Viaud. À présent, des couchers plus tardifs sont possibles. » Idem pour des levers plus matinaux, vers 6h30, dont la demande s’exprime encore rarement, mais que les équipes souhaitent favoriser, par exemple en permettant des toilettes avant le départ vers un centre d’aide par le travail.
Transmissions soignées
Certains écueils ont été évités. « Il a fallu rassurer les Ssiad de jour, leur montrer qu’on était là pour apporter un plus, observe David Viaud. Aujourd’hui, ce sont eux qui adressent la plupart de nos patients » – avec les hôpitaux et les familles. « Les transmissions sont la partie la plus délicate du travail », assure Marie-Jo Abguillerm, infirmière coordinatrice à Paris. Elle coopère pour le moment avec « une dizaine de Ssiad de jour ». Le « lien de confiance » s’entretient via des réunions de concertation, « environ une fois par mois », mais surtout par des échanges constants, notamment « au chevet des patients », où l’infirmière coordinatrice se déplace en cas de difficulté.
En Seine-Saint-Denis, l’équipe affirme avoir surmonté les problèmes de recrutement connus au départ, à cause de craintes liées à la sécurité. Alors que l’équipe pensait plutôt recourir à des hommes, la plupart des aides-soignants sont aujourd’hui des femmes. Et « nous n’avons pas constaté plus de dégats, comme des vitres cassées, la nuit que le jour », note Ali Chaoui.
Les Hauts-de-Seine en septembre
La demande a suivi: « Nos services sont pleins et nous avons des listes d’attente », constate David Viaud. À présent, la fondation a obtenu l’ouverture de 40 places supplémentaires en Seine-Saint-Denis. En septembre, un nouveau Ssiad de nuit ouvrira dans les Hauts-de-Seine, et « plus d’une dizaine de conventions de partenariat » devraient être signées « d’ici la fin de l’année 2010 pour les arrondissements de Paris encore non couverts », prévoit la fondation.
David Viaud glisse tout de même un bémol : « Le mode de tarification actuel est insuffisant pour intervenir au mieux auprès des personnes handicapées », les budgets permettant difficilement l’intervention de deux personnes à domicile. Autre enjeu soulevé : arriver à une évaluation systématique du domicile (risque de chutes, etc.). Or, cela suppose l’introduction de « compétences nouvelles » dans ce type de service. Ce sera pour un autre jour.
Nicolas Cochard
1- Crosms : Comité régional de l'organisation sociale et médico-sociale. La loi HPST faisant disparaître ces instances, l’autorisation de nouveaux services de ce type se fera désormais via des appels à projets lancés par les nouvelles agences régionales de santé.