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Le gouvernement a lancé une campagne de sensibilisation au syndrome du bébé secoué, qui touche plusieurs centaines d’enfants chaque année. L’occasion de revenir sur cette forme de maltraitance méconnue avec Brigitte Prévost, infirmière en PMI et présidente de l’ANDPE*.
L’Infirmièr.e : Quels sont les signes qui peuvent alerter sur un syndrome de bébé secoué ?
Brigitte Prévost : Il y a des degrés différents. Cela peut être un bébé qui convulse, apathique, hypotonique, ou un bébé qui pleure beaucoup, qui geint. Il peut être légèrement cyanosé, il peut y avoir des vomissements. On peut aussi observer des problèmes de comportement, par exemple un bébé qui ne va plus vous suivre du regard, qui devient irritable ou qui perd son sourire. Ou encore un déficit moteur à gauche ou à droite, une rigidité corporelle, des difficultés à respirer, des troubles de la conscience, etc. L’enfant peut présenter des mouvements anormaux, comme des tremblements d’un bras ou d’une jambe, ou encore des troubles du sommeil.
Il faut regarder également s’il n’y a pas d’autres contusions sur le corps (ecchymoses, hématomes). Les troubles visuels, auditifs sont également concernés mais plus compliqués à repérer d’emblée.
Quels sont les publics à risque ?
Il n’y a pas de public à risque. Le syndrome du bébé secoué est susceptible de concerner tout le monde, toutes les couches de la population, avec une proportion d’hommes plus élevée que les femmes responsables du secouement des bébés.
Comment sensibiliser les parents pour éviter cela ?
Il faut davantage de prévention, notamment auprès des jeunes. Quand on s’adresse à des élèves de première ou de terminale, ils ne savent pas que ça existe. Pour les bébés secoués, il devrait y avoir des informations au lycée. Ne serait-ce qu’un affichage dans la cour de tous les établissements. Il y a des choses à mettre en place mais ça n’est pas fait.
Il faut aussi rappeler aux parents qu’on peut être énervé, fatigué, avoir eu une journée compliquée. Ou un bébé qui pleure beaucoup, qui hurle, avec des parents épuisés qui n’ont pas de relais. S’ils sentent une tension monter, ils peuvent mettre le bébé dans sa chambre et ne pas y aller tant qu’ils sont énervés.
Quelle est la marche à suivre en cas de soupçon de secouement ?
Si l’un des parents a secoué le bébé et qu’il remarque un changement de comportement, il ne va pas le dire d’emblée. Quand ça arrive, il y a souvent une culpabilité.
Ce qu’il faut, c’est poser des questions sur le rythme du bébé, et réussir à savoir si la mère ou le père trouve que l’enfant a changé de comportement. Ce qui est important, en tant qu’infirmière, c’est d’entrer en lien avec la personne, de discuter avec elle. L’objectif c’est que les parents amènent l’enfant à l’hôpital ou chez le médecin traitant. Il faut une prise en charge précoce, car plus on intervient tôt, plus il y a de chances de limiter les séquelles. L’infirmière doit libérer la parole des parents par rapport à ce qui s’est passé, les déculpabiliser, les orienter vers l’hôpital ou le médecin traitant et, surtout, ne pas attendre : il faut réagir vite.
Dans quel cas faut-il faire un signalement ?
Pour moi, il y a deux origines au secouement : soit de la maltraitance avérée soit de la méconnaissance. Les gens ne savent pas qu’un bébé secoué peut se retrouver en fauteuil roulant ou sourd toute sa vie, qu’il aura des retards de développement, psychomoteurs. Il ne faut pas stigmatiser tout de suite les parents. En revanche, s’ils ne réagissent pas et ne conduisent pas l’enfant à l’hôpital ou chez le médecin, il faut faire un signalement, en appelant par exemple le 119, la ligne « Allo enfance en danger » du Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (Snated) ou la cellule de recueil des informations préoccupantes.
Propos recueillis par Anne-Gaëlle Moulun
* Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants
CHIFFRES-CLÉS
- Selon Santé publique France, plusieurs centaines d’enfants sont victimes de ce syndrome.
- Les victimes ont majoritairement entre 2 et 4 mois.
- 1 victime sur 10 décède.
- Les 3/4 présentent des séquelles graves sur le long terme.
- Le syndrome du bébé secoué se caractérise par un taux de récidive élevé : les bébés secoués l’ont été en moyenne 10 fois.