En 2008, professionnels de santé et usagers de Carhaix (Finistère) avaient obtenu la réouverture de la maternité et du service de chirurgie de leur hôpital. Le film Bowling ravive le souvenir de ces luttes, en y injectant une dose de romance.
Avec ses personnages un poil caricaturaux et son humour moins décapant que The Big Lebowski, Bowling n’est pas le film de l’année. Pourtant, en sept jours, il a attiré 3 000 spectateurs au cinéma de Carhaix-Plouguer, dans le Finistère. C’est que Bowling a été en partie tourné dans les environs et s’inspire de faits réels : la lutte victorieuse, et devenue emblématique pour les hôpitaux de proximité, afin de rouvrir la maternité et le service de chirurgie de l’hôpital, en 2008.
Certes, le face-à-face avec les CRS à Quimper fut plus houleux en réalité que le « 1, 2, 3 soleil » auquel s’adonne une héroïne, et plus rude la confrontation avec le vrai directeur de l’hôpital. Mais, dans l’ensemble, Marie-Castille Mention-Schaar rend bien compte de l’ambiance de l’époque. Des mobilisations très suivies dans cette commune de quelque 10 000 habitants. De la colère des femmes enceintes refusant d’accoucher à trois quarts d’heure de route. De l’impression de service fantôme pendant la fermeture de la maternité, finalement rouverte à l’issue d’un recours en justice.
Le film réveille des souvenirs et donne une image flatteuse du pays. « Nous n’avons pas été déçus, confie Marie-Laure Guillou, cadre de santé remerciée dans le générique. Il y a beaucoup d’émotion pour nous qui avons vécu cette histoire. La réalisatrice, très respectueuse, nous avait rencontrés à plusieurs reprises. »
« Bon compromis »
L’obsession des autorités pour les chiffres apparaît dans le film, de même que les arguments des manifestants. « Le service public n’est pas là pour faire du bénéfice, avance Marie-Laure Guillou. Dans ces petits hôpitaux, il existe beaucoup d’humanité. » L’actrice Mathilde Seigner, en visitant la maternité, a d’ailleurs décrit « un lieu paisible et tranquille, pas comme à Paris », selon le journal Ouest-France.
Mais, au-delà de cette profession de foi générale, Bowling se présente comme une comédie grand public et non un brûlot politique. Dans ce téléfilm amélioré, qui se laisse regarder, l’intrigue repose sur l’amitié (inventée) de joueuses de bowling, dont la DRH de l’hôpital (Catherine Frot), une sage-femme (Mathilde Seigner) et une puéricultrice (Firmine Richard) – au passage, il n’y a pas d’infirmière dans la vraie maternité. Marie-Laure Guillou salue ce « bon compromis : le film aurait été lassant s'il avait seulement retracé nos événements ».
Et l’hôpital, où en est-il ? Sa fusion en 2009 avec le Centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Brest « a apporté bien plus de points positifs que du négatif », commente le cardiologue Jean-Yvon Roudaut, aussi connu, en 2008, comme président du Comité de défense de l’hôpital. Il cite l'amélioration de moyens techniques ou encore la « sérénité » retrouvée du personnel. L’établissement se porte « bien, renchérit Marie-Laure Guillou. Mais, nous restons fragiles. Et vigilants. » « Pour la maternité, il reste des progrès à faire pour regagner la confiance perdue lors de la fermeture, précise Jean-Pierre Hémon, du pays Centre-Ouest Bretagne. La partie fragile reste la filière digestive, faute de médecins et de déploiement du CHRU de Brest vers Carhaix. » Certes, des médecins brestois viennent consulter à Carhaix, à l’image, un vendredi sur deux, de la pneumologue Irène Frachon, dont le livre a contribué à lancer l’affaire du Mediator. De même, « grâce au CHRU, beaucoup de jeunes infirmières sont venues à Carhaix. Même si elles ne restent pas, cela nous a fait énormément de bien », développe Jean-Yvon Roudaut. Mais, la difficulté à recruter des médecins persiste. Il est moins facile de recruter des professionnels de santé que des coéquipiers de bowling…
Mathieu Hautemulle
*Bowling, de Marie-Castille Mention-Schaar (1 h 30), avec Catherine Frot, Mathilde Seigner… Sortie nationale mercredi 18 juillet.