Le cancer du col de l’utérus représente 3 000 nouveaux cas et 1 000 décès chaque année en France. Lors d'un colloque organisé à l'occasion de la journée de la femme, la HAS a plaidé pour une organisation nationale du dépistage, qui permettrait de lutter contre les inégalités.
« En France, environ 52 % des femmes sont sous-dépistées et 40 % sont surdépistées, résume le professeur Lise Rochaix, de la Haute autorité de santé (HAS). Seules 10 % bénéficient du dépistage correspondant à nos recommandations, soit un frottis tous les trois ans. » Une inégalité criante qui engendre, d’un côté, des prises en charge médicales tardives et, de l’autre, la multiplication d’examens onéreux, douloureux, voire d’actes chirurgicaux non nécessaires. « Nous avons donc une large marge pour améliorer notre taux de couverture à moyens constants, précise Lise Rochaix. Les volumes de frottis réalisés au niveau national correspondraient à une couverture du dépistage de près de 90 % si toutes les femmes concernées ne faisaient qu’un seul examen de dépistage tous les trois ans. »
Disparités
La présidente de la commission évaluation économique et de santé publique de la HAS a présenté, lors d’un colloque sur la santé des femmes organisé le 8 mars à Paris, un intéressant plaidoyer en faveur d’un dépistage organisé du cancer du col utérin en France. En effet, 56,6 % des Françaises âgées de 20 à 65 ans bénéficient du dépistage par frottis cervico-utérin, avec de fortes disparités. Celles-ci sont liées à l’âge - les moins de 30 ans et les plus de 50 consultent moins, ainsi qu’à la précarité sociale : seules 43 % des femmes de moins de 50 ans bénéficiant de la couverture maladie universelle complémentaire ont eu un frottis cervico-utérin, contre 63 % des autres femmes.
Des disparités territoriales sont également constatées. Le Nord et les départements d’outre-mer présentent les taux de couverture par le dépistage les plus bas, et, par corrélation, les taux de mortalité par cancer du col utérin les plus élevés. La situation de la Guyane est particulièrement alarmante, avec un taux de mortalité avant 50 ans multiplié par trois. Ces variations territoriales sont essentiellement liées aux difficultés d’accès aux soins, au manque de professionnels de santé (notamment de gynécologues) et à la précarité des populations.
« Or, le dépistage national organisé, sur lequel existe un fort consensus international et qui a été mis en place dans de nombreux pays, pourrait améliorer la situation, explique Lise Rochaix. Car le cancer du col utérin est une pathologie d’évolution lente, les lésions pré-cancéreuses sont curables et les traitements largement disponibles. »
Invitation au dépistage
Pour ce faire, la HAS recommande (2) donc un dépistage qui s’appuierait sur les professionnels de santé : gynécologues, sages-femmes, mais aussi médecins généralistes, qui peuvent réaliser ou prescrire le frottis. Le dispositif reposerait sur l’envoi à chaque femme âgée de 25 à 65 ans d’une invitation à réaliser ce dépistage une fois tous les trois ans.
Des actions complémentaires pourraient permettre de mobiliser les femmes peu ou pas participantes : gratuité des tests, actions communautaires, réalisation du frottis par auto-prélèvement, diffusion de messages éducatifs adaptés, etc. La diversification des lieux de diffusion des messages d’incitation et des professionnels réalisant les prélèvements sont également envisagés. Les infirmières pourraient être concernées dans le cadre de consultations spécifiques ou de leur exercice en maison de santé.
Sandra Mignot
1- Colloque organisé par la Chaire santé de SciencesPo, Le Planning familial, les mutuelles MGEN et LMDE et Médecins du monde.
2- La recommandation de la HAS.