L’origine environnementale de nombreux cancers n’est plus à prouver. Mais elle tarde à être prise en compte par les pouvoirs publics, ce que déploraient les intervenants du colloque « La santé des enfants et environnement » mardi 12 avril à l’Unesco.
La première étape d’un cancer peut démarrer dès le stade foetal. Telle est la conviction du Pr Patrick Fenichel, endocrinologue à Nice, pour qui certaines maladies sont « programmées » in utero chez le fœtus, en raison notamment de son environnement. « On observe une augmentation des cancers chez l’enfant de moins d’un an », note par ailleurs Ernesto Burgio, pédiatre italien. Ces cancers seraient provoqués par la pollution environnementale subie par la mère durant sa grossesse.
L’Association de recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac) a donc établi neuf recommandations à l’intention des femmes enceintes : ne pas prendre de médicaments, n’utiliser d’ordinateurs que s’ils sont équipés d’écrans plats et sans wifi etc. Des conseils parfois difficiles à suivre, ce que concède Hanns Moshammer, épidémiologiste autrichien. « Aujourd’hui, on est obligé de vivre dans des conditions pathogéniques », reconnaît-il. « La solution est donc de changer la société civile!»
Changer la société… Cela paraît compliqué, et pourtant nécessaire. De nombreux cancers ont une origine environnementale. Des liens ont par ailleurs pu être établis entre des maladies comme Alzheimer ou l’autisme et les pesticides ou encore le mercure. La pollution environnementale favorise les maladies chroniques endocrinologiques, immunitaires et neurodégénératives, souligne ainsi Ernesto Burgio.
Avancées laborieuses vers la prévention
Face aux constats de l’impact environnemental sur la santé, quelques décisions ont été prises, comme par exemple l’interdiction des tétines contenant du bisphénol A ou celle des crèmes intégrant du paraben. Ces mesures sont importantes, mais loin d’être suffisantes. Et pour cause. La prévention se heurte à plusieurs obstacles.
La première difficulté est la prise de conscience. Prenons l’exemple des téléphones portables: leurs conséquences sur la santé ne sont pas encore apparues au grand jour, nonobstant livre noir (1) et autres mises en garde émanant de scientifiques. Pour le Pr Belpomme, cancérologue et président de l’Artac, le téléphone portable est une bombe à retardement, à l’image de la cigarette, qui génère des maladies apparaissant des années plus tard. Une bombe dont personne (consommateurs, pouvoirs publics) ne semble vouloir se soucier en l’absence de problème de santé immédiat.
Le pouvoir des lobbies
Deuxième difficulté : l’économie et ses puissants lobbies. Suzanne de Bégon en sait quelque chose, qui s’est lancée contre vents et marées industrialo-juridiques dans la dénonciation de la stérilisation des biberons à l’oxyde d’éthylène par les industriels. Ce produit, reconnu comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la santé, est interdit dans les aliments... mais pas dans les objets qui les contiennent et les contaminent. Ces subtilités nous empoisonnent sournoisement. Suzanne de Bégon en a fait plusieurs livres (1), qui lui ont valu des poursuites en justice. La dernière en date? Une attaque en diffamation, engagée le 7 avril dernier par l’entreprise mise en cause. « Des lobbies énormes nient que leurs produits nuisent à la santé », confirme le Pr Belpomme. « Ces lobbies disposent de nombreuses méthodes pour influencer le politique »… D’où des carences législatives ?
Texte et photo: Annabelle Alix
1 – Le dossier noir du portable, Richard Forget, Editions Pharos Jacques-Marie Laffont, décembre 2006.
2 - Les biberons d'ambroisie : merci Bibéon!, mars 2009 ; Maman Blédina ! Pourquoi tu m’empoisonnes ?, avril 2010 et dernièrement, en mars 2011, L’enquête, préfacé par le Pr Belpomme. Les trois ouvrages sont publiés chez l’éditeur Appassionata.