La pose d’un cathéter veineux périphérique, geste banalisé, peut donner lieu
à des complications. Selon un récent audit, les pratiques infirmières ne sont pas irréprochables.
Chaque année, environ 33 millions de cathéters veineux périphériques (CVP) sont posés en France. Une pratique courante qui n’est pourtant pas sans risque pour le patient, comme pour le soignant : phlébite, extravasation, accident lié au sang, infection… Une étude (1) avait ainsi révélé qu’un peu plus d’un patient sur 1 000 développait une infection liée à un CVP.
En 2011, un groupe de professionnels de santé (2) s’est constitué pour questionner les pratiques infirmières, au regard des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Le résultat de cette enquête a été présenté à l’occasion des États généraux des infections nosocomiales, mi-février, à Paris.
Recrudescence d’infections
« Le CVP est un acte invasif, donc dangereux, a rappelé Rodolphe Halama, délégué général de l’association de lutte contre les infections nosocomiales Le Lien. Nous recevons une trentaine de dossiers de victimes d’infections associées aux soins (IAS) par mois. Il y a une recrudescence d’IAS sur cathéters. » Plus fréquente, la pose d’un CVP est aussi moins « sécurisée » que celle d’un cathéter veineux central (CVC), qui nécessite une intervention chirurgicale, estime François Serratrice, pharmacien au CH d’Aix-les-Bains. Peu d’études se sont penchées sur les pratiques ou les infections liées aux CVP. « Quand il y a une complication, on la passe sous silence ; on change simplement le CVP, relève le pharmacien. Les recommandations de la HAS sont précises mais leur interprétation est difficile. Il y a autant de pratiques que d’infirmières. » Au total, 359 questionnaires ont été remplis par des soignantes travaillant à l’hôpital Cochin (AP-HP), aux centres hospitaliers d’Argenteuil, de Niort et d’Aix-les-Bains, ainsi que par des étudiants en soins infirmiers.
L’audit des pratiques a ainsi révélé que 34 % des infirmières posent un CVP sans évaluation préalable par l’équipe médico-soignante. Pour le Dr Florence Lemann, médecin hygiéniste au CH d’Argenteuil, la pertinence du CVP doit sans cesse être questionnée. « Aux urgences, on a tendance à le poser " au cas où ", souligne-t-elle, alors qu’il faudrait systématiquement se demander s’il ne serait pas mieux d’administrer le traitement par voie orale, si la pose du CVP est urgente et, chaque jour, si son maintien est nécessaire. » La HAS recommande, en effet, de ne pas le garder plus de 96 heures, sauf chez un patient au capital veineux limité.
L’hygiène en question
Par ailleurs, 75 % des répondantes ne prennent pas en compte le volume, le débit et la durée du traitement pour adapter le diamètre du cathéter. Une sur cinq ne se lave pas les mains et 11 % ne portent pas de gants. Quant au rinçage, seules 11 % des infirmières sondées ont affirmé le faire systématiquement avant et après le passage d’un médicament. 44 % rincent le cathéter par augmentation du débit de perfusion, alors qu’il faudrait employer une seringue dont le diamètre est équivalent à 10 ml, pour éviter la surpression, et rincer par « saccades » de 1 ml, rappelle Jacques Merckx, anesthésiste honoraire des Hôpitaux de Paris.
L’enquête montre, enfin, qu’une majorité de soignantes ne connait pas la marche à suivre en cas de complication, type hématome ou extravasation ; ainsi, 67 % appliquent un traitement local (pansement alcoolisé, par exemple) sans prescription. 7 % ne notent pas dans le dossier du patient la survenue de signes locaux au point d’insertion. Tracer la pose puis la surveillance du CVP est pourtant primordial pour que l’information se transmette d’une équipe à l’autre. « Dans les 33 millions de CVP posés chaque année, combien sont liés à la non-préservation d’un précédent dispositif ? », interroge François Serratrice.
Le groupe planche désormais sur l’élaboration d’un guide synthétisant les recommandations. Il sera notamment diffusé dans les Ifsi ayant participé à l’audit. Car les étudiantes interrogées ne se sont pas révélées plus respectueuses des règles que leurs aînées. Les professionnels ont également insisté sur la nécessité d’éduquer le patient. « Il faut lui enseigner quels sont les signes d’une complication », insiste Bruno Le Falher, cadre infirmier au CH d’Argenteuil. Et, surtout, ne plus banaliser le CVP.
Aveline Marques
1- Réalisée en 2009 par le Groupe d’évaluation des pratiques en hygiène hospitalière.
2- Le groupe est composé de : B. Alvez Da Cruz, cadre de santé au CH de Niort ; B. Le Falher, cadre hygiéniste au CH d’Argenteuil ; F. Lemann, praticien hygiéniste au CH d’Argenteuil ; H. Levert, pharmacien à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), J. Merckx, anesthésiste honoraire à l’AP-HP ; F. Serratrice, pharmacien au CH d’Aix-les-Bains.
Article paru dans L'Infirmière magazine n°319, daté du 15 mars.