Jeudi 25 octobre, dans le cadre du Salon infirmier, la Coordination nationale infirmière a présenté les résultats de sa seconde enquête sur le stress des soignants. Décryptage.
Ce n'est pas un scoop : le métier d'infirmier est stressant. Mais, pour sensibiliser les employeurs et les décideurs politiques, « il ne suffit pas d'annoncer des évidences. Il faut des éléments chiffrés », constate Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI). Une nécessité qui a poussé le syndicat, en 2011, à proposer aux soignants un questionnaire en ligne sur le stress au travail. Jeudi 25 octobre, dans le cadre du Salon infirmier, à Paris, devant une salle comble, la CNI a présenté les résultats de l'édition 2012 de son enquête, enrichie de nouvelles questions.
Les femmes davantage stressées
Au total, le Dr Geneviève Coulombier, médecin de santé au travail au CHU de Poitiers, a décortiqué 5 758 questionnaires. Les infirmiers étaient notamment invités à évaluer leur stress sur une échelle de 1 à 10. Résultats : en moyenne, leur stress professionnel s’élève à 6,08, contre 6,56 en 2011 et leur stress personnel à 4,11, contre 4,14. Dans la mesure où seules quelques centaines d'infirmiers ont participé à la précédente enquête, la comparaison n'est pas significative, a précisé le médecin. Plusieurs tendances semblent néanmoins se dessiner. « Les femmes se font plus de souci au boulot », a constaté Geneviève Coulombier : 6,10 en moyenne, contre 5,69 pour les hommes. Les infirmiers libéraux (4,61), scolaires (4,57) et territoriaux (4,42) sont les plus stressés sur le plan personnel, tout comme les étudiants (4,60).
Le poids des responsabilités
La confrontation à la mort, à la douleur aigüe ou à des problèmes sociaux difficiles favorise le stress : les infirmiers ayant déclaré être souvent confrontés à la mort ont évalué leur stress professionnel à 6,50, contre 5,83 pour ceux qui n’y sont que rarement confrontés. Les difficultés liées à la prise en charge des patients sont également angoissantes : les soignants estimant être trop rarement disponibles ont rapporté un stress de 6,71 sur 10, alors que chez ceux qui sont toujours disponibles, le stress retombe à 4,07. De même, les infirmiers satisfaits de cette prise en charge déclarent un stress moyen inférieur à ceux qui sont généralement insatisfaits (4,46 contre 7,16). Quant aux difficultés à faire face aux responsabilités, plus elles sont fréquentes, plus le stress est important (7,72 contre 5,20). Mais, seuls 36 % des infirmiers s’estiment concernés.
Il sont, en revanche, 63 % à faire état de difficultés d’organisation et 58,3 % à rapporter des glissements de tâches fréquents. 50,4 % déplorent un manque de temps et 42,6 % manquent de matériel de façon permanente. Par ailleurs, 56,7 % déclarent travailler dans le « brouhaha » : bruit, sollicitations intempestives, ect. « Une ambiance qui parisite » et provoque des difficultés de concentration, pouvant « entraîner des erreurs dans la prise en charge », estime Sandrine Bouichou, membre de la CNI et infirmière au CHU de Poitiers.
« La seule échappatoire, c’est l’arrêt maladie »
Au contraire, les relations au travail sont des facteurs essentiels de bien-être pour les soignants. Les infirmiers se sentant soutenus psychologiquement par leurs collègues sont en moyenne moins stressés que ceux qui ne le sont jamais (5,65 contre 6,82). « La reconnaissance du travail par le cadre est importante », remarque le Dr Geneviève Coulombier. Quand elle est fréquente, le stress tombe à 5,05, contre 7,01 quand elle est absente. La prise en considération de l’avis du soignant par le médecin et la possibilité de s’exprimer ont également un impact positif. « Des petites phrases de reconnaissance de temps en temps permettent de positiver, de valoriser au quotidien », estime Sandrine Bouichou.
« On s’en fout de nous, du moment qu'on est là, présent sur le planning », lâche une infirmière dans la salle, qui fait état de « burn out » dans son service. « On ne trouve jamais de solution. La seule échappatoire, c’est l’arrêt maladie », déplore-t-elle. « Il est important d’écrire, de garder une traçabilité. Il y a des leviers à actionner ensemble », souligne Nathalie Depoire. Pour la présidente de la CNI, le récent appel à projets lancé par la DGOS sur les risques-psychosociaux dans les établissements de santé est un premier pas vers la prise de conscience des pouvoirs publics. La route est encore longue.
Aveline Marques