En adoptant un article additionnel au projet de loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), les députés ont élargi les compétences des sages-femmes en matière de contraception et de suivi gynécologique. Proposé par la députée UMP des Ardennes Bérengère Poletti, le texte prévoit que les sages-femmes pourront désormais prescrire aux femmes, tout au long de leur vie fertile, « contraceptifs locaux » et « hormonaux » et qu’elles assureront « le suivi biologique nécessaire ». Les maïeuticiennes ne pourront toutefois s’emparer de ces nouvelles compétences qu’avec des femmes en bonne santé. « En cas de situation pathologique », nuance le texte, elles devront orienter la patiente vers un médecin.
Destinée, selon son instigatrice Bérengère Poletti, à « offrir une possibilité supplémentaire pour les femmes d’avoir accès à la contraception, sachant qu’il a été démontré que la forte diminution du nombre d’IVG dans certains pays européens allait de pair avec une amélioration des pratiques contraceptives », cette mesure laisse les gynécologues pour le moins circonspects.
"Les jeunes ne sont pas informés"
« Le problème n’est pas d’autoriser ou non les sages-femmes à prescrire la pilule », estime le Dr Marc-Alain Rozan, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (Syngof). « Le problème, c’est l’information. Les jeunes ne sont pas informés. »
Alors que les adolescents sont censés recevoir depuis au moins cinq ans une « éducation à la sexualité » à raison d’au moins « trois heures de cours par an du collège à la terminale », rappelle-t-il, « ce n’est presque jamais fait ».
Pour le président du Syngof, ce manque d’information est « la principale pierre d’achoppement » à laquelle il faudrait s’attaquer si l’on veut espérer réduire le nombre d’IVG des jeunes filles en France. Avant que d’élargir les compétences des sages-femmes, le Dr Rozan aurait préféré que l’on mette le paquet sur le développement de la prévention et de l’information. Comment ? En proposant à toutes les adolescentes de 13 ans « une consultation dite de formation et d’éducation à la future vie de femme » qui serait anonyme et entièrement prise en charge par l’assurance maladie, suggère-t-il. « Quand j’en parle au ministère, on me dit que mon idée est très bonne, mais que les moyens manquent », déplore le médecin, qui regrette que le gouvernement ne se donne pas les moyens de faire avec l’éducation sexuelle des adolescentes ce qu’il a fait avec la vaccination anti-grippale des personnes âgées : une action de masse ciblée.
Formation et encadrement
Pour autant, l’opposition du Syngof à l’élargissement du pouvoir de prescription de contraceptifs par les sages-femmes n’est pas de principe, mais de circonstance. Actuellement, les sages-femmes sont formées à l’accompagnement d’une « grossesse normale », rappelle le président du syndicat de gynécologues. Là, il est question de les autoriser à prescrire une contraception à tout moment de la vie d’une femme et d’assurer le suivi biologique qui s’impose. Un tel changement nécessite « un bon encadrement des sages-femmes et une formation bien faite de sorte qu’elles soient capables d’effectuer un examen clinique complet qui leur permette de dépister la moindre contre-indication ». Force est de constater que ce n’est pas le cas, estime Marc-Alain Rozan.
Et de battre en brèche l’argument selon lequel ce transfert de compétences du médecin à la sage-femme permettrait de remédier à un problème de démographie médicale. « On trouve plus facilement un médecin généraliste à la campagne qu’une sage-femme. »
Ne reste qu’un espoir pour les gynécologues inquiets de cette évolution législative : que le Sénat qui doit examiner le projet de loi en mai, retoque la copie des députés. « On a essayé » d’alerter les sénateurs, « mais le problème de la contraception n’a pas l’air de les toucher », constate, pessimiste, le Dr Rozan.
C. A.