Lors d’une communication devant l’Académie de médecine, Pierre Bégué, professeur de pédiatrie, a proposé quelques pistes pour lutter contre le refus vaccinal.
« Total ou partiel, généré par une opposition militante ou une négligence, le refus vaccinal a pour principale conséquence une insuffisante couverture vaccinale. Il peut donc entraver l’éradication de certaines maladies, comme pour la coqueluche en Europe, ou la diphtérie en URSS », a expliqué le professeur Pierre Bégué, de l’hôpital Armand Trousseau (Paris), lors d’une communication donnée devant l’Académie de médecine le 6 mars dernier. Comme le montre l’exemple de la rougeole, cette insuffisante couverture vaccinale conduit également au glissement des affections vers l’âge adulte, avec l’apparition de complications graves. Si le spécialiste déplore cette situation, il n’est pas pour autant favorable à l’obligation vaccinale : « Cela génère des débats sans fin, et une radicalisation des oppositions », souligne-t-il.
Pierre Bégué insiste plutôt sur la nécessité de mieux connaître les raisons des refus. « Outre les arguments religieux ou philosophiques, les études constatent tout d’abord une inversion de la balance bénéfice-risque perçue par les parents, et parfois par les médecins. » Il est vrai que la plupart des maladies contre lesquelles on vaccine sont désormais devenues rares, et que l’on pense davantage au risque individuel lié à l’injection, notamment depuis qu’ont été médiatisées les craintes que la vaccination contre l’hépatite B ne génère le déclenchement d’une sclérose en plaque, ou qu’une immunisation contre la rougeole ne cause un syndrome autistique. Le pédiatre souligne aussi l’apparition d’une fracture de confiance entre le public et les experts : « La validité des connaissances scientifiques est remise en question, et la bonne foi de l’expert est suspecte en raison des conflits d’intérêt avec l’industrie des vaccins. »
Mieux former les professionnels de santé
Pierre Bégué pointe aussi l’abondance des messages anti-vaccinaux sur le net. Pour y répondre, « il est important de mettre en place une information scientifique de qualité, abondante et facilement accessible, comme celle de l’INPES », souligne-t-il. Nombre d’enquêtes concluent en effet au manque d’information des parents d’enfants non ou mal vaccinés. « Leurs interrogations et leurs doutes sont légitimes : Les bébés ne sont-ils pas vaccinés trop tôt ? Les adjuvants sont-ils dangereux ? L’immunité naturelle n’est-elle pas meilleure ? Nous devons apprendre à mieux leur répondre », insiste le pédiatre. Et pour lui, cela passe par une meilleure formation des professionnels : médecins, mais aussi infirmières, sages-femmes et pharmaciens. Car « la compréhension de la vaccination repose sur sa justification vis-à-vis de l’infection prévenue, son activité immunologique et sa tolérance. Les refus ou les doutes portent sur l’un ou l’ensemble de ces trois points » explique-t-il.
Pour Pierre Bégué, l’éducation sanitaire globale de la population doit également être renforcée, en commençant par l’enseignement des sciences biologiques dans le système scolaire. « L’instruction sanitaire a été complètement oubliée à l’école, souligne le médecin. Or, elle permet de mieux appréhender les notions d’épidémiologie qui sous-tendent les justifications de la vaccination. Sans cela, le dialogue avec les parents et le public demeurera toujours difficile... »
Enfin, le travail concernant le suivi des effets adverses est également à renforcer. « Il faut en améliorer le recueil et l’analyse indépendante, explique Pierre Bégué. Il faut aussi améliorer l’écoute apportée aux familles concernées par des cas graves. C’est-à-dire, en quelque sorte, humaniser de la pharmacovigilance, ce qui améliorerait la communication sur des évènements graves attribués à une vaccination. »
Sandra Mignot
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