Près d'un an après la parution du décret qui encadre les protocoles de coopération entre professionnels de santé, le dispositif, souvent décrit comme une usine à gaz, ne rencontre que peu d'engouement.
La loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) l’a voulu dans son article 51, le décret du 31 décembre 2009 l’a institué: via un protocole de coopération (PdC), les professionnels de santé peuvent désormais déléguer à d’autres professionnels de santé des tâches qui jusqu’alors leur étaient réservées. « Ce dispositif organise un mode dérogatoire aux conditions légales d’exercice », a résumé Sophie de Chambine, chef du service Maladies chroniques et dispositifs d’accompagnement des malades à la Haute Autorité de santé (HAS), lors d’une table ronde dédiée aux coopérations dans le cadre des rencontres scientifiques organisées par l’institution à Paris début décembre.
Désormais, un médecin pourra transférer des actes à une infirmière ; un gynécologue à une sage-femme; une infirmière à une aide-soignante, etc. Le PdC peut également concerner plusieurs professionnels, par exemple un médecin, une infirmière, un kinésithérapeute. Dès lors que les professionnels sont répertoriés dans le Code de santé publique (CSP), toutes les combinaisons sont d’ailleurs envisageables.
Jusqu’ici, comme dirait l’autre, tout va bien. Un tel dispositif était d’ailleurs attendu par nombre de professionnels et particulièrement par ceux exerçant en libéral puisque les besoins en ambulatoire ne cessent d’augmenter et que les forces médicales déclinent.
« Le PdC vise à optimiser et à améliorer la prise en charge des patients », a également rappelé Sophie de Chambine. Seulement voilà, le processus d’élaboration et de rédaction du protocole va sans doute refroidir quelques ardeurs…
Suivez le guide…
Ainsi, les professionnels souhaitant s’engager dans un PdC devront s’assurer auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) que leur projet de coopération correspond à un besoin régional de santé. Si tel est le cas débutera un "brainstorming" pour déterminer qui fait quoi, pour qui et comment. Un dossier d’une vingtaine de pages définissant notamment le contexte et les objectifs du protocole sera ensuite à compléter. Les aspirants au protocole devront également s’assurer que le PdC qu’ils projettent peut être signé par d’autres professionnels de santé puisque chaque PdC alimentera « une banque de protocoles » auxquels pourront adhérer d’autres professionnels.
Par ailleurs, les initiateurs devront, dès la conception du projet, créer des indicateurs pour évaluer la qualité de soins et… l’impact économique de leur coopération. Cela implique qu’ils organisent la collecte des données qui seront transmises une fois par an à l’ARS. Soulignons que pour les aider dans cette démarche, l’HAS propose plusieurs outils, dont des guides de méthodologie, accessibles en ligne via son site Internet.
Un seul projet déposé en un an
Ensuite, le projet de PdC sera adressé à l’ARS puis transmis à l’HAS pour avis. Outre 16 critères de validité, cette dernière devra notamment examiner si la sécurité et la qualité de la prise en charge sont respectées. Sans son feu vert, le PdC ne pourra être ratifié par l’ARS. Si l’avis est favorable, le directeur général de l’ARS publiera un décret. C’est seulement après cette ultime phase que les professionnels de santé pourront enfin adhérer au PdC.
Comme l’a souligné un médecin généraliste, « le dispositif est intéressant, mais à un moment où nous sommes surchargés de travail, je ne vois pas comment nous allons pouvoir dégager du temps pour le mettre sur pied ». On ne saurait mieux dire. D’ailleurs, l’HAS n’a reçu pour l’heure qu’un seul projet de protocole, présenté par un médecin et une infirmière... Précisons également que chaque patient devra aussi donner son accord pour être pris en charge dans le cadre du PdC.
Côté trésorerie, si chacun s’accorde sur le fait que le transfert d’acte doit s’accompagner d’un transfert de rémunération, la Sécurité Sociale attend « de vrais projets » pour réfléchir à « de nouveaux modèles économiques ». Autant dire que, pour l’instant, rien de concret n’est prévu sur ce point. Bref, la stimulation est à son comble…
Françoise Vlaemÿnck
1- Les professionnels de santé concernés par les protocoles de coopération sont exclusivement ceux inscrits à l’article L. 4011-1 du CSP : aide-soignante, audioprothésiste, auxiliaire de puériculture, chirurgien-dentiste, conseiller génétique, diététicien, ergothérapeute, infirmier(e), manipulateur d’électroradiologie médicale, masseur-kinésithérapeute, médecin, opticien lunetier, orthophoniste, orthoptiste, prothésistes et orthésistes, pédicure-podologue, pharmacien, psychomotricien, sage-femme.