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Il y a 5 ans, la France se confinait pour 2 mois. Mais Gaëlle, Émilie, Leslie, Anita et Camille, toutes infirmières, continuaient de travailler, aux premières loges d’une crise sanitaire sans précédent. Aujourd’hui, elles témoignent.
« IL Y A CLAIREMENT UN AVANT ET UN APRÈS COVID »
Gaëlle, infirmière libérale à côté d’Aix-en-Provence (13), présidente du Collectif Infirmiers Libéraux En Colère (CILEC)
« Il y a 5 ans, je débutais en libéral. C’était une période très angoissante. Je travaillais beaucoup. J’avais peur de contaminer mes proches et les personnes âgées que je côtoyais quotidiennement. J’ai pris une place primordiale dans leur vie car ils n’avaient plus le droit de voir leur famille. C’était souvent moi qui faisais leurs courses ou qui coupait leurs ongles. Je suis sortie lessivée de cette période. Lors du confinement suivant, des patients sont morts dans mes bras. Cette épreuve m’a paru interminable. Je me suis posée beaucoup de questions sur mon métier et mon rôle dans les familles. J’ai toujours aimé mon métier, mais pas dans ces conditions. J’avais le sentiment d’être utilisée. De cette remise en question est né le Collectif Infirmiers Libéraux En Colère en décembre 2022. Il réunit des infirmiers libéraux de toute la France qui, comme moi, veulent une reconnaissance de notre place primordiale dans la société. Nous sommes nombreux à avoir eu l’impression d’être de la chair à canon. Le minimum aurait été d’obtenir un dédommagement financier à long terme. Mais financièrement, rien n'a changé. Plus positivement, cette épreuve a soudé notre profession comme jamais. Il y a clairement un avant et un après Covid. »
« LORSQU'ON M'A RAPPELÉE POUR LA 2e VAGUE, J'AI DIT NON »
Émilie, infirmière libérale en région parisienne, membre du CILEC
« Lorsque la pandémie s’est déclarée, j’ai rejoint mon ancien service de réanimation en renfort. J’y passais quasiment tous mes jours de repos, soit environ 15 jours par mois. Le reste du temps je continuais mon activité à domicile. Ce rythme effréné m'a forcée à arrêter d'allaiter mon enfant. Impossible pourtant de rester les bras croisés face à la détresse de mes anciens collègues qui étaient complètement débordés. En réanimation, l'atmosphère était oppressante. Isolés dans des chambres d’hôpital, emmitouflés de la tête aux pieds, nous devions faire appel aux personnels à l'extérieur pour le moindre besoin. Au bout de 2 mois, j’étais partagée entre la satisfaction d’avoir fait ma part et un profond sentiment d’oubli. En tant qu'Idel, je n'ai pas eu droit à la prime Ségur. J'ai très mal vécu cette situation. Lorsqu'on m'a rappelée pour la 2e vague, j'ai dit non. Aujourd'hui, je continue à soigner, mais en préservant ma santé et ma vie personnelle. J’ose dire non aux patients, alors qu'avant je me tuais à la tâche. Je me sens bien mieux ainsi. »
« C’ÉTAIT COMME SI DEUX RÉALITÉS DISTINCTES COEXISTAIENT »
Leslie, Idel à Paris (75)
« Le 16 mars 2020, j’étais en poste dans un service hospitalier de neurochirurgie. Je revenais tout juste de mon congé maternité. C'était une source de stress importante de devoir m'exposer alors que mon bébé avait à peine 3 mois. Notre service a été relativement épargné. En tant qu’établissement privé spécialisé en neurovasculaire, la direction décidait du nombre de lits à ouvrir aux patients atteints du covid-19. De ce fait, ils n’étaient pas si nombreux, contrairement à ce qu’il se passait ailleurs. C’était comme si deux réalités distinctes coexistaient. Mon passage en libéral, 2 ans après, n’est pas une conséquence du Covid. J’estime avoir obtenu suffisamment de reconnaissance durant cette période. Depuis lors, je constate une plus grande vigilance de la part du public face aux virus. Beaucoup de gens portent un masque dans les lieux publics quand ils sont malades. C’est une bonne chose ! »
« JE NE SUIS PLUS FAITE POUR LES SOINS CRITIQUES »
Anita, IDE dans un service sommeil d’un grand hôpital parisien
« Quand la 1re vague est arrivée, les services de réanimation débordaient. Mon service a fermé et j’ai été affectée en pneumologie. Au début, c’était le chaos. Contrairement à la réanimation, nous n’avions ni les chambres ni le matériel pour faire des soins intensifs. Il a bien fallu s’adapter. À la fin du confinement, faute de blouses, on utilisait des sacs poubelle. C’est dire l’improvisation ! Contrairement à certaines collègues, je n’ai pas eu besoin d’être formée. Je connaissais déjà les gestes pour avoir travaillé auparavant en réanimation. J’ai toutefois très mal vécu cette période. Pas tant pour la technique, que j’avais, qu’au niveau psychologique. Je ne voulais plus être confrontée à la mort et à la douleur des familles. Je l’ai pourtant fait parce que c’est mon métier mais cela a été très difficile pour moi émotionnellement. Cela ne m’a pas empêché de rempiler à chaque nouvelle vague. Aujourd’hui, plus question de soins critiques. Je ne suis plus faite pour cela. J’ai retrouvé le service du sommeil. Le travail a repris comme avant le covid. Je note toutefois que chacun fait un effort pour communiquer et mieux se comprendre. On fait aussi plus de réunions dans ce sens qu’avant. C’est là pour moi un enseignement positif de cette crise. J’aurais toutefois préféré ne pas la vivre. »
« CETTE PÉRIODE A RENFORCÉ LES LIENS ENTRE NOUS »
Camille, IDE en Ehpad à Angers (49)
« Lors de la 1re vague, l’une de nos deux maisons de retraite a été particulièrement touchée. Nous avons dû regrouper tous nos résidents atteints du covid dans une même pièce, pour éviter la propagation du virus. Beaucoup de soignants tombaient malades, ce qui rendait la situation encore plus difficile. Cependant, cette période a renforcé les liens entre nous. Nous recevions des fleurs, des viennoiseries, des courriers d’enfants, cela nous a beaucoup aidés à tenir bon. Avec les résidents, nous étions plus dans le partage pour leur faire oublier cette période éprouvante. Cette expérience a laissé des traces profondes mais m'a confortée dans l'idée que j'étais à la bonne place. Désormais, en cas de grippe, nous sommes plus vigilants. En tant qu’Idec, je fais attention à anticiper mieux les stocks de blouses et masques. Cette sécurité nous permet de limiter les épidémies. »
Propos recueillis par Eléonore de Vaumas
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