Loin du tintamarre législatif décrié par la communauté psychiatrique, établissements, associations et pouvoirs publics se mobilisent pour implanter et développer les pratiques artistiques et culturelles à l’hôpital.
Tandis que les députés ont adopté mardi 22 mars en première lecture un projet de loi controversé portant réforme des soins psychiatriques et introduisant notamment la notion de soins sans consentement en ambulatoire, la fondation Réunica Prévoyance et l’EPS Erasme d’Antony (92) proposent jusqu’au 31 mars une programmation culturelle riche sur le thème « Comment prendre soin ensemble ? ». Une démarche qui associe professionnels de la psychiatrie, du social, usagers et partenaires culturels.
La matinée de lancement de l'opération (1) a permis de redécouvrir l’exposition « Sur les pas des héros », accueillie en décembre au musée parisien du Quai Branly. Les œuvres, réalisées au sein d’un atelier animé par le plasticien Eric Pays à l’EPS Erasme - certaines sur des draps de l’hôpital – témoignent de la créativité des patients.
La manifestation se poursuit cette semaine avec « Voyage à la rencontre d'Antonin Artaud », une exposition d’œuvres inspirées aux patients par la découverte, en partenariat avec la Bibliothèque nationale de France, des ouvrages du poète mort en 1948 à l'âge de 52 ans, après avoir passé plusieurs années à l'asile (2).
Les soignants ne sont pas en reste
« Art et Culture à l’hôpital », une étude commandée par la fondation Réunica Prévoyance, révèle que « plus de 90% des soignants prêtent aux activités artistiques des vertus en termes de socialisation, de vécu de l’hôpital, de ressenti et d’image de soi des patients, et en termes thérapeutiques ». Près de huit soignants sur dix estiment d’ailleurs « que l’art et la culture ne sont pas assez présents à l’hôpital ».
Selon la psychiatre Agnès Metton, présidente de la conférence médicale d’établissement de l’EPS Erasme, le travail de la communauté soignante est ainsi « d’essayer de retisser les liens sociaux, ramener les patients vers la vie, vers la ville, vers les autres ». La fondation Réunica Prévoyance, qui estime que l’art et la culture sont pour les patients en psychiatrie « des moyens de stimulation en alternative aux réponses thérapeutiques habituelles », dépense chaque année 350 000 euros en moyenne pour financer des projets d’associations (dont Tournesol, Artistes à l’hôpital, Les Petits Princes, Les Blouses Bleues, SIDVEM, l’Enfant@l’hôpital) et ainsi donner aux personnes hospitalisées « un petit plus de mieux-être ».
200.000 euros de fonds publics dédiés en Ile-de-France
Les pouvoirs publics sont aussi mobilisés puisque l’Agence régionale de santé (ARS) et la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) d’Ile-de-France ont annoncé le 22 mars l’allocation de près de 200 000 euros à 25 projets culturels et artistiques en milieu hospitalier, à raison de 101 900 euros et 90 100 euros respectivement. Les projets retenus « sont destinés à favoriser la participation des usagers, de leur famille et du personnel des établissements de santé à des projets artistiques de qualité dans le cadre de partenariats avec des structures culturelles et artistiques professionnelles reconnues par la Drac », explique l'ARS dans un communiqué.
Avec plus d’un tiers des dossiers (dix), la psychiatrie « continue d’être un secteur prédominant dans les actions proposées », note l’ARS, même si « la majorité des projets sélectionnés s’inscrit dans une logique de décloisonnement et d’ouverture, que ce soit entre les domaines artistiques (13 projets pluridisciplinaires), entre les services, mais également entre les établissements de santé (neuf projets transversaux, dont un dans cinq établissements différents)». Nombreux sont les projets à associer étroitement les personnels soignants à la pratique artistique, s’adressant même parfois spécifiquement à eux, comme cet atelier d'expression corporelle et émotionnelle à destination du personnel, proposé par l’association Anamorphismes à la Maternité les Bluets de l’Hôpital parisien Pierre Rouquès.
Texte: A. M. et C. A. (avec APM)
Photo: Astrid Moors
1 – Le 11 mars au Palais de Tokyo, à Paris.
2 - A l'EPS Erasme d'Antony, de 13h30 à 16h30, jusqu’au 31 mars.