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Diplômée en 1978, Reinemère fête les deux ans de son blog « Ma vie en rose sage-femme ». C'est l'invitée de L'Infirmière magazine de mars 2015.
Il y a deux ou trois trucs que j’aime faire quand je suis en compagnie de mes semblables. Des jeux de mots innocents que ne renierait pas une célèbre petite barre caramélisée. Observer les inconnus autour de moi et leur inventer des aventures qui les surprendraient.
Et, par-dessus tout, j’adore quand arrive le moment d’avouer à l’assemblée ma profession. Ce que j’exerce comme métier? Ah, je suis sage-femme PMI. À cet instant, une cohorte d’anges passent dans la conversation, le temps que s’organise la riposte dans l’esprit de mes interlocuteurs. Sage-femme, sage-femme. Mais bon sang, c’est bien sûr, c’est celle qui accouche, euh, s’occupe, euh, enfin vous savez, la nana qui encourage les femmes : «Allez ma p’tite dame, poussez, poussez ! Vous allez y arriver, vous êtes une championne.» Les bébés, les accouchées… le miracle de la vie, quoi ! Et soudain, la phrase que nous avons tous et toutes entendue : «Quel beau métier, le plus beau métier du monde ! C’est tellement magnifique, tous ces bébés que vous aidez à naître.»
C’est drôle comme souvent vous zappez le PMI de l’intitulé. Déjà, sage-femme, ça évoque pour beaucoup une moyenâgeuse société secrète, alors PMI, c’est carrément une langue étrangère. Beaucoup se contentent de cela. Si vous vous intéressez un peu plus, je vous achève en expliquant que je suis une sage-femme qui ne fait plus du tout d’accouchement, enfin sauf pendant mes congés, mais c’est une autre histoire. Je fais de la protection maternelle et infantile. J’accompagne des futures mères, des jeunes, des moins jeunes, des heureuses qui vont conquérir le monde malgré les soucis, des aussi tristes que leur vie de laissées-pour-compte, des Mauricette and co version titi parisien, des Meriem, Fatoumata, Merveille.
Quelquefois, je me sens comme un vilain ange gardien, je guette leur moindre dérapage pour passer le relais aux équipes de protection de l’enfance, mes cousins germains, en quelque sorte. Mais, de temps à autre, je me sens comme une béquille qui leur permet d’avancer sans trop de casse, pour que leur avenir les rattrape le plus tard possible. J’aide un peu, un tout petit peu. Parce que, comme dit Mauricette, le bébé, avant de l’avoir dans les bras, faut déjà l’avoir dans la tête et c’est pas gagné, avec tout ce qu’il nous fait endurer dans le ventre.
Mauricette, le mot de la fin t’appartient : je ne fais pas naître les bébés, mais je les fais exister dans la tête de leurs parents. Une autre forme de naissance, non?