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Au chevet de la personne en fin de vie, vulnérable, parfois isolée, la posture professionnelle de l’aide-soignante et celle non-professionnelle du bénévole d’accompagnement partagent pourtant la même attitude : celle d’être au chevet de la personne accompagnée.
J’ai longtemps cherché à savoir ce qui pouvait motiver mon désir d’accompagner les personnes malades, en fin de vie ou en deuil. Il devait y avoir, dans mon histoire et mon parcours professionnel, un élément déclencheur, une situation déterminante. Aide-soignante en gériatrie depuis de nombreuses années et aujourd’hui auprès des polyhandicapés, je suis toujours interpellée par la singularité de l’Autre vivant, propriétaire d’une histoire singulière. Les professionnels de santé ont en leur possession une boîte à outils très garnie de protocoles, d’échelles, de techniques. Le bénévole d’accompagnement intervient, lui, sans plateau technique, il est simplement une présence de l’un pour l’autre, la présence unique pour l’autre unique : un acte de solidarité au-delà du soin. Néanmoins, la complémentarité de leurs regards assure pour les personnes soignées que le temps de la maladie et le temps de la fin de vie sont des temps qui comptent. Accompagner, c’est une aventure humaine et c’est aussi une rencontre que je n’aurais jamais envisagée.
Je me souviens d’un de ces moments. Invitée par l’équipe soignante d’une unité de soins palliatifs à me rendre au chevet d’une personne en fin de vie, je rencontre deux personnes. Un monsieur m’accueille très favorablement, car ma visite, proposée par les soignants, a été « préparée ». Il me présente son épouse alitée, endormie, bien installée. Il s’exprime avec des mots doux et réalistes : « Nous avons vécu des mois de maladie, d’allers-retours, et maintenant, il n’y a plus rien à faire, le temps est compté… ». Il me raconte leur histoire et me confie son inquiétude face à un avenir sans elle, cette épouse qu’il voit se retirer petit à petit, heure après heure. Une sensation de vertige m’envahit, je suis là entre deux personnes que la mort va séparer. Je suis là également pour laisser à l’Autre tout l’espace dont il a besoin pour être écouté, je suis l’écoute et la présence silencieuse. À ce moment-là, nous nous accordons à suspendre le temps, pris entre la mort qui approche et la vie qui s’accroche.
Alors, qu’est-ce que qui m’anime à accompagner ? « Vous voudriez connaître le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie. » (1) Nos vies sont faites de rencontres et c’est sans doute la rencontre de l’Autre qui me resitue dans mon humanité avec ce que je suis, aide-soignante ou bénévole à la recherche de tous les possibles pour soulager, accompagner ; le devoir du non-abandon professionnel ou pas.
1- Citation de Kalil Gibran, poète et peintre libanais (1883-1931), auteur de Le Prophète.