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« Nul ne peut se prévaloir de sa naissance comme d’un préjudice. » Ce préambule de la loi Kouchner de 2002 relative au droit des malades nous rappel que toute personne humaine est digne. Une dignité qui fonde le respect que nous devons à tout patient.
Le soin se trouve sans cesse en tension entre son efficacité et sa finalité. Efficacité, car c’est toujours un acte technique ; finalité, car il s’adresse à un être humain dans ce qu’il a de plus cher : son propre corps. Une injection, la perfusion d’une veine ou bien de la chirurgie, aussi bien que la nudité, la toilette ou le toucher ne sont jamais des gestes anodins. Tous ne cherchent pourtant qu’à faire du bien à la personne humaine qu’est tout patient.
C’est que la véritable finalité du soin, plus qu’une illusoire santé, plus que vouloir prolonger la vie à tout prix, reste la personne elle-même dans son humanité. Les soignants le savent parfaitement : la personne humaine est plus que ce qu’elle apparaît. Comme un vieillard désorienté, grabataire, reste toujours la personne qu’il était, un comateux végétatif chronique possède la même qualité d’être humain, même s’il n’en a plus toutes les fonctions. C’est insister sur le fait que l’humanité, ce qui fait d’un être humain une personne, doit être totalement séparé ce qu’il peut faire « en acte ». C’est refuser toute vision normative, automatiquement réductrice. À la suite de l’arrêt Perruche du 17 novembre 2000, il a d’ailleurs été inscrit, en préambule de la loi du 04 mars 2002 (1), que « nul ne peut se prévaloir de sa naissance comme d’un préjudice ». Soit que toute personne humaine est digne. Cette dignité fonde le respect que nous devons à tout patient quelles que soient ses caractéristiques physiques mentales ou même sociales (donc culturelles).
Or, cette humanité nous dépasse tous individuellement : plus grande que nous-même, elle nous échappe. Lorsque, par exemple, je porte secours à un homme en train de se suicider, sans en être toujours conscient, je place son autonomie (il est après tout libre de vouloir mettre fin à ses jours) en dessous de son humanité (qui me pousse à le sauver).
Ainsi, dans le soin, je ne saurais réduire mon patient à aucune de ses caractéristiques. Son humanité les surpasse toutes. On comprend mieux alors que je traiterais de la même manière une personne handicapée qu’un SDF, que le Président, ou que tout autre, aurait-il eu une conduite condamnable. Je risquerais sinon de faire des tris en m’arrogeant arbitrairement le droit de ne soigner que ceux qui auraient l’heur de me convenir ! C’est reconnaître chez l’homme – et pour le soignant chez son patient – plus qu’une nature simplement naturelle (comme animale), voire culturelle (devant laquelle il lui faudrait s’incliner pour en satisfaire toutes les exigences), à lui reconnaître une dimension morale. Ce qui donne au soignant la responsabilité de préserver chez son patient tout ce qui le fait être humain. Mais bien entendu, cette reconnaissance doit être réciproque : le soignant, comme son malade, est une personne à part entière au-delà de ses caractéristiques et doit, lui aussi, être respecté comme telle.
1- Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.