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Sur son blog, Anne partage ses pensées, réflexions et anecdotes d'infirmière « libre ». C'est l'invitée du mois d'octobre de « L'Infirmière magazine ».
Il y a ces levers de soleil, cette vue imprenable sur les hauteurs d’une ville encore endormie. Il y a ces doux sourires, sincères, de patients qui témoignent du plaisir qu’ils ont à nous voir arriver tous les jours. Il y a ces fous rires inégalables et ces larmes partagées.
Toutes ces femmes et ces hommes que l’on accompagne, au creux de leur foyer pendant des jours, des mois ou des années. Qui nous aident à élargir nos horizons, à étoffer notre réflexion, pour soigner du mieux qu’on peut. Mais il y a aussi ces portes et ces visages fermés, cette misère parfois épouvantable, quasi insoutenable.
Et puis un jour, passer de l’autre côté de la barrière, une fois, puis d’autres, et après tous ces rendez-vous médicaux vient l’évidence: un organisme qui chavire, qui lâche, comme pour prévenir que ça suffit maintenant, qu’il n’en peut plus. Alors il faut songer sérieusement à lever le pied pour se préserver. Mais comment ?
Être infirmière libérale n’est pas qu’un mode, une façon d’exercer, c’est aussi un statut qui représente toute une organisation autour. Un statut qui ne laisse pas de place à la défaillance, peu ou pas de possibilité de parenthèse dans une vie professionnelle qui écrase une vie personnelle souvent mise de côté, faute de temps et d’énergie.
Nous sommes nombreux à avoir fait ce choix et, passée l’insolence des débuts, à réaliser l’issue incertaine qui se dessine. Comment nous, soignants, qui sommes les plus à même de savoir que la maladie n’épargne personne, pouvons-nous nous dire un jour : « Ok, je vais travailler comme ça, ce système me convient »?
Je n’ai pas de réponse à cette question mais je ne saurais que conseiller à celles qui sont prêtes à quitter un emploi salarié de se la poser, de bien y réfléchir. À comment rebondir, comment envisager le passage à autre chose, une éventuelle reconversion. Il faut du temps pour ça mais ne pas attendre qu’une solution par défaut s’impose, souvent dans la douleur. Parce qu’au départ, il y a cette sensation grisante d’autonomie, d’indépendance, presque aveuglante. Parce qu’au départ, il y a le libéral... et après ?
Retrouvez son blog : www.uneinfirmierealamaison.com