06/11/2019

De la clarté face aux fake news  !

Carole Séréni est neurologue, ancien chef de service de l’hôpital Léopold-Bellan. Daniel Séréni, lui, est professeur émérite à la faculté de médecine de Paris-Diderot et spécialiste de médecine interne. Tous deux viennent de faire paraître l'ouvrage « Médecine bashing. Réponses aux détracteurs de la science médicale » (Éd. du Cerf, septembre 2019). L'occasion de répondre à la méfiance, d'où qu'elle vienne et qui tend à se généraliser, envers la médecine et d'appeler chacun à assumer ses responsabilités.

Médecins tous deux, interniste et neurologue, nous voyons croître chez une partie des patients et de leur famille des attitudes de méfiance infondée vis-à-vis des soins ou des diagnostics. Au-delà du questionnement légitime profitable à la relation soignant-malade, les a priori hostiles basés sur une information biaisée, glanée sur Internet ou dans des médias irresponsables, deviennent de véritables obstacles à la pratique des soins.

On voit que les patients sont de plus en plus vulnérables aux fake news et à la manipulation, en particulier ceux dont les symptômes sont inexpliqués et les diagnostics difficiles. Le doute envers les données de la science touche de plus en plus de gens et les fondements de la pratique médicale moderne ne sont pas compris.

De même, trop de personnes en situation d’autorité et de responsabilité dans l’administration ou la justice ne savent plus distinguer les vrais experts reconnus par la communauté scientifique des soi-disant experts auto-proclamés. Une telle attitude conduit à des décisions aberrantes en matière de santé.

En tant que citoyens, nous ne pouvons qu’être concernés par le retentissement possible de ces attitudes de défiance sur la santé publique, comme vient de le démontrer l’épidémie de rougeole, qui n’avait aucune raison de se produire si les recommandations de vaccination avaient été suivies. Les refus ou les retards à la mise en place d’un traitement essentiel, qu’il s’agisse par exemple de prévention cardiovasculaire ou de cancers, et les croyances exagérées dans des formes de prise en charge non prouvées font obstacle à une bonne utilisation des ressources de santé, tout en nuisant de façon catastrophique aux individus concernés.

Il est de plus en plus nécessaire d’apporter des explications claires, non partisanes et les plus objectives possibles. Tous les professionnels de santé sont concernés : infirmières aussi bien que médecins, pharmaciens et chercheurs peuvent se trouver sous le feu des critiques alors qu’ils accomplissent ou conseillent des actes liés à une pratique de qualité. Aucun d’entre nous, quel que soit son métier, ne peut éviter de s’impliquer dans la lutte contre la désinformation et dans l’optimisation de la communication avec nos patients.

L’ère du paternalisme médical, des mensonges pieux, du refus d’informer les patients et de la volonté de garder le pouvoir de décision est révolue ou devrait l’être. Il faut maintenant promouvoir l’autonomie et le libre arbitre de la personne. Tout soignant a le devoir de contribuer à lui faire acquérir le savoir nécessaire pour collaborer utilement à sa propre santé. Pour cela, il faut nous-mêmes être avertis de l’existence et de la multiplication des « infox » ou fake news et savoir réagir aux épidémies de paranoïa qui envahissent périodiquement médias et Internet dès la moindre alerte sur la santé, sans sacrifier pour autant notre esprit critique vis-à-vis des diverses formes de conflits d’intérêts.

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