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Alex Ollivier est infirmier et chef de projet télémédecine au sein du Groupement régional d’appui
au développement de la e-santé (GRADeS), à Caen. Il revient, dans
« L'Infirmière magazine », sur la frilosité des infirmières devant les récentes, et nombreuses, évolutions de leur profession.
La profession infirmière a subi ces dernières années de nombreuses évolutions. Le « nouveau » référentiel de formation fut l’une des principales. Aujourd’hui vieux de dix ans, il n’a d’ailleurs plus rien de nouveau, mais sa désignation en ces termes s’avère persistante. Cela est sans doute d’ailleurs dû à la force des représentations qui l’entouraient lors de sa parution.
Déjà en 2009, lors de sa mise en place, les préjugés à son égard étaient nombreux, durs et infondés. Les étudiants issus des premiers rangs de cette réforme étaient considérés comme moins bien formés, forcément plus mauvais que leurs pairs et, souvent, l’accueil en stage s’en faisait ressentir. Dix ans plus tard, aucune étude scientifique ne vient étayer ces représentations ni n’atteste d’un éventuel manque de compétence de ces générations de professionnels. Aujourd’hui, c’est la génération Parcoursup qui bénéficie d’un accueil réservé. Ces étudiants sont considérés comme forcément moins méritants que leurs aînés ayant, eux, été sélectionnés parmi des milliers de candidats au concours infirmier et ne devant leur réussite qu’à leurs seuls efforts, ou du moins le pensent-ils.
Si la formation a connu quelques mutations, dont l’une d’elles – et de loin la plus importante – fut son intégration universitaire, elle aussi en son temps décriée, la profession elle-même n’est pas en reste. L’apparition de nouveaux métiers et des nouvelles formes d’exercice est accueillie sous les mêmes auspices. Récemment, la création de la section des sciences infirmières au conseil national des universités (CNU 92), a, elle aussi, fait l’objet de commentaires acerbes et moqueurs de la part d’un pan de la profession. « On n’a pas besoin de scientifiques », peut-on lire de-ci, de-là. Pourtant, il s’agit d’une incroyable opportunité pour les infirmières de pouvoir elles-mêmes produire du savoir doctoral, qu’il sera possible de réinjecter au niveau licence. Le raisonnement clinique et la démarche scientifique sont, dans ces types d’échanges, souvent opposés aux aspects du métier les plus triviaux.
Mais cela serait se méprendre de penser que même les actes les plus courants, les plus ancrés dans nos pratiques et nos habitudes de soignants, ne doivent pas faire l’objet de mise à distance, d’études et d’améliorations. C’est précisément l’objet et l’intérêt de la création de filières doctorales pour les soins infirmiers. Et c’est cela qu’il faut insuffler à la profession : la compréhension des raisons pour lesquelles son évolution lui est nécessaire. Car les avis négatifs sur le sujet peuvent changer, s’ils sont éclairés. Les Ifsi ont en cela une mission d’envergure.
Apprendre, évoluer et étudier, produire du savoir et le réinjecter, c’est la façon dont une profession exprime le fait qu’elle est vivante. C’est notre vaccin contre la disparition de notre métier. Mais, tout cela est-il vraiment étonnant de la part d’une profession opposée pour près des deux tiers à la vaccination obligatoire ? La question reste ouverte...