© D. R.
Jeune diplômé IDE, Tété raconte avec gouaille son quotidien de « super-héros à temps partiel » sur son blog. Ce mois-ci, dans « L'Infirmière magazine », il revient sur les mobilisations des soignants, qui demeurent trop souvent inaudibles.
Blouse blanche armée d’un brassard « en grève », j’observe ma collègue aller répondre à la sonnette des urgences pour faire l’IAO (infirmière accueil et orientation). Le patient est pris en charge puis installé (jusque-là, no problemo). Quand tout à coup, le patient s’interroge sur le brassard de ma collègue. « Vous êtes en grève, vous ? »
Nous nous sommes rendu compte que dans l’esprit de pas mal de nos usagers, le personnel soignant ne fait pas grève car nous sommes invisibles (nos blouses sont peut-être tissées en cape d’invisibilité). Nous ne sommes pas médiatisés (alors que perso, je suis assez beau gosse), nous ne sommes pas pénibles pour la société (alors que perso, je suis assez pénible), nous n’avons donc presque pas d’impact sur le quotidien.
Nous sommes donc toujours là, MAIS avec un brassard, et il est vrai qu’en dehors de nos chansons qui sont peu (très peu) efficaces, mais qui restent un moyen d’expression, nous ne pouvons pas être aussi impactants que d’autres. En général, tout le monde nous aime bien (SU-PER), le problème reste toujours le même : l’amour ne libère pas de lits, l’amour ne paye pas mon loyer, l’amour ne nous offre pas de nouveaux moyens matériels à l’hôpital, bref vous avez compris.
Le soutien moral, bien qu’appréciable, ne fait pas partie de nos revendications. Les bonnes sœurs pour qui nous sommes encore régulièrement pris se font abuser, et face à ce constat, nos voix restent inaudibles. Nous pallions tous les maux des services : l’administratif, l’organisationnel, la charge de travail et cela sans pouvoir défendre correctement nos opinions qui font face à un silence étatique (digne de la morgue).
Je n’ai pas LA solution, je ne sais pas s’il y a UNE solution, mais nous vivons à l’aube d’une crise probablement plus massive. Il va falloir réussir à tirer ses cartes du jeu pour nous préserver en tant que soignants mais aussi défendre notre système de santé en tant que patient. Bref, notre petit monde blanc tombe en petits fragments petit à petit (telles des pellicules), à nous de réussir à nous organiser pour rééquilibrer notre monde (je parle pas de la force, bande de geeks). L’État ne fait que dans la demi-mesure (regardez nos futures IPA ou “l’augmentation” du budget hospitalier). L’ambiance dans les services devient morose, nous sommes tous inquiets pour notre avenir.
Je vous souhaite un courage immense. À vous les studios.
Normacol et chocolat <3. Chaude bise.
Retrouvez les précédentes aventures de Tété :
- La Cour des miracles, où il revient sur son expérience en service d'urgences ;
- Une question de compétence, sur la disparité des niveaux entre élèves d'Ifsi ;
- La vocation a bon dos, sur cet étrange concept qui justifierait l'inacceptable ;
- Intérimaire du spectacle, où il revient sur le quotidien du travail en intérim ;
- Petit Padawan deviendra grand, sur la fin de la troisième année d'Ifis, entre impatience et appréhension ;
- Alalalalala(lalalala), où il détaille le comportement de certains formateurs, pas toujours au top ;
- Bienvenue chez les psys, sur son premier stage en psychiatrie ;
- Rite de passage, où il revient sur son premier stage en Ehpad.