Bien souvent, les infirmières arrivent en carrosse à l'hôpital... mais il se mue bien vite en citrouille. Par Jean Déran, IDE à Paris
(Chronique parue dans L'Infirmière magazine n°296,
1er mars 2012)
L’établissement où vous trimez vous a fait l’article au moment de vous recruter. Vous avez rencontré ses responsables, impressionnés par vos qualités : la lune de miel fut déclarée entre leur superbe établissement et votre si rare beauté professionnelle. La pauvrette IDE que vous étiez méritait le cocon d’une institution parfaite. Pour sceller cette idylle, vous rêviez de rejoindre le Palais des mille et une piqûres. Vous avez passé votre plus belle blouse, enfilé vos jolis gants et ces somptueuses pantoufles de bloc, ou de salle — c’est moins glamour que le vair, mais il faut quand même un peu de réalité dans les contes de fées modernes.
Bref, vous avez tout fait pour être cette princesse des soins, fin prête pour ce superbe bal qui devait durer quarante belles années, pleines de terres promises, de projets sublimes, d’augmentations formidables de vos richesses, bijoux et propriétés ; le carrosse et les chevaux vrombissants d’une profession infirmière excitante, on vous a tout vendu. Mais la vilaine sorcière du temps soignant est remontée dare-dare sur son balai et, en à peine deux ou trois lunes (deux ou trois ans en langage administratif), a sapé votre superbe plan avec collègues en or, cadres dévoués et formations en diamant. Le coup de gong de minuit du sous-effectif permanent dans la salle de bal vous a vite fait comprendre que la princesse allait en rabattre. Vous avez dû, illico, lâcher le bras du prince charmant qui vous en mettait plein les mirettes avec ses pôles et ses réformes aux noms fascinants : HPST, T2A, etc.
Par chance, vous avez laissé traîner une savate en vous sauvant, celle qu’un autre viendra vous essayer en vous jurant que, cette fois, vous avez trouvé le bon palais et le vrai prince des IDE. Cendrillon, à vous de mettre une fin au conte amer des princesses IDEalistes.