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24/01/2025

DÉCRET IPA : UNE ÉTAPE IMPORTANTE, MAIS PAS LE BOUT DU CHEMIN

Paru mi-janvier, le décret octroyant aux Infirmières en pratique avancée (IPA) l’accès direct et la primo-prescription représente pour elles un jalon important. Mais il doit selon l’Union nationale des IPA (Unipa), leur syndicat, être suivi d’autres avancées. Le point avec son vice-président, Jordan Jolys.

POUVEZ-VOUS NOUS EXPLIQUER CE QUE CONTIENT CE DÉCRET ATTENDU DEPUIS DE LONGS MOIS ?
Ce décret constitue tout d’abord la première concrétisation de la loi Rist de mai 2023. Il modifie les décrets antérieurs et permet principalement l’accès direct aux IPA. Désormais, les patients pourront prendre rendez-vous d’eux-mêmes, sans aucune contrainte, sans être adressés par un médecin, pourvu que l’IPA exerce en établissement public ou privé, en centre de santé, en équipe de soins primaires, en maison de santé pluriprofessionnelle, etc. Les protocoles d’organisation, que l’IPA devait signer avec le médecin, disparaissent, de même que les restrictions qui faisaient par exemple qu’un IPA mention « santé mentale » ne pouvait travailler qu’avec un psychiatre. Cela va donc permettre une fluidification notable de l’exercice.

LES PATIENTS SONT-ILS INFORMÉS DE CES NOUVELLES POSSIBILITÉS ?
Il est vrai qu’il va falloir travailler sur la connaissance de notre profession. Beaucoup de gens ne savent pas ce que nous pouvons apporter. Aujourd'hui, les patients ont du mal à accéder à leur médecin traitant, à s’accrocher dans le parcours de soins. Nous voulons être une porte d’entrée dans le système de santé, mais il faut pour cela que nous soyons mieux identifiés.

POUVEZ-VOUS NOUS DONNER QUELQUES CAS D’USAGE CONCRETS DE CET ACCÈS DIRECT ?
Pour mieux comprendre comment les choses vont fonctionner, il faut présenter l’autre aspect du décret qui vient de paraître : la primo-prescription. Celle-ci doit beaucoup nous aider dans l’accès direct : à partir du moment où nous aurons la liste des médicaments que nous pouvons prescrire en première intention, cela aidera beaucoup les patients à comprendre ce qu’ils peuvent attendre de nous. Tant que nous ne pouvons pas initier de traitement, nous pouvons certes débrouiller une situation, mais nous ne pouvons pas mettre en place une conduite thérapeutique. En psychiatrie, si l’antidépresseur d’un patient n’est pas efficace et qu’on ne peut pas le modifier, nous serons limités. De même si un patient a fait une chute et qu’on ne peut pas lui prescrire d’antalgique, comme c’est le cas actuellement, nous serons également limités. Tout dépendra donc de la liste des médicaments que nous allons pouvoir prescrire.

QUAND CETTE LISTE DOIT-ELLE ÊTRE PUBLIÉE ?
Rien n’est sûr avec la situation politique actuelle, mais nous espérons que cela interviendra courant février et surtout que cette liste sera à la mesure de ce que nous attendons. Car l’accès direct est un point important, mais pour que cela ait des effets concrets, il faut que la primo-prescription soit à la hauteur. Il faut qu’elle nous permette d’exercer de manière concrète au quotidien, et qu’elle concerne non seulement des médicaments mais qu’elle nous donne aussi la possibilité de prescrire des soins infirmiers, des transports sanitaires, etc.

VOTRE SYNDICAT A FAIT ÉTAT D’INQUIÉTUDES QUANT À CE TEXTE, SUR QUOI PORTENT-ELLES ?
Elles portent notamment sur notre capacité à renouveler et adapter des traitements. L’arrêté qui doit définir les médicaments que nous pouvons prescrire en première intention pourrait simultanément réduire ce qu’il nous est possible de faire en matière de renouvellement, et qui est à l’heure actuelle défini de manière assez large. Pour nous, c’est une ligne rouge, cela n’aurait pas de sens. Nous n’avons pour l’instant pas de certitudes sur les intentions du ministère de la Santé, mais nous tenons à alerter sur ce sujet.

APRÈS L’ACCÈS DIRECT ET LA PRIMO-PRESCRIPTION, QUELLES SONT LES PROCHAINES ÉTAPES POUR VOTRE PROFESSION ?
Les questions les plus importantes sont relatives au cadre économique. Il va falloir de manière urgente lancer des négociations conventionnelles pour les libéraux, car l’accès direct n’est pour l’instant pas remboursable par l’Assurance maladie, c’est pour nous un enjeu majeur. Il ne serait pas tolérable qu’une telle avancée pour les patients tarde à entrer en vigueur. Nous avons de plus des enjeux de représentativité syndicale. Lors des négociations conventionnelles, nous ne négocions pas nous-mêmes et nous n’avons pas de pouvoir de signature ; nous avons beau bien nous entendre avec les syndicats d’Idel qui sont autour de la table, il nous semble important de pouvoir parler en notre nom propre.

ET CONCERNANT LES IPA HOSPITALIERS ?
Dans les établissements publics comme privés, nous devons parvenir à des rémunérations qui correspondent aux responsabilités exercées par la profession. Nous sommes désormais l’une des rares professions à accès direct dans le système de santé, nous avons des compétences élargies, nous estimons normal d’avoir une rémunération à la hauteur.

QUELLES SONT VOS ATTENTES VIS-À-VIS DE LA LOI INFIRMIÈRE QUI DOIT, UN JOUR OU L’AUTRE, ARRIVER SUR LE BUREAU DU MINISTRE ?
Nous espérons plusieurs ajustements pour la pratique avancée, notamment le statut de profession médicale intermédiaire, qui est le nôtre dans la réalité, et que nous aimerions voir reconnu officiellement. Par ailleurs, on doit pouvoir réfléchir aux mentions des IPA. Nous voudrions des mentions qui ne soient pas calquées sur les spécialités médicales, car nous voyons que celles qui le sont, comme l’oncologie et la néphrologie, ont déjà tendance à s’essouffler. Nous sommes en faveur de mentions populationnelles, avec une approche large, en fonction des publics concernés : les enfants, la santé adulte, la psychiatrie, les soins primaires, etc. Ce sont des discussions que nous avons déjà entamées, mais qui pourraient être poursuivies dans le cadre de la loi infirmière.

Propos recueillis par Adrien Renaud

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