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Le Ségur de la santé a acté le financement d’équipes opérationnelles intervenant pour l'accès aux soins des personnes en situation de grande précarité. L’Agence régionale de santé (ARS) Île-de-France, s’est saisie de cette opportunité pour porter une quarantaine d’équipes aujourd’hui sur le terrain.
L’ARS Île-de-France soutient depuis une trentaine d’années des actions « d’aller vers » pour les publics les plus éloignés du système de santé. Mais jusqu’au Ségur de la santé, les financements n’étaient pas pérennes car ils reposaient sur le Fonds d’intervention régional (FIR). « Ce type de financements ne permet pas de structurer une démarche, ni d’attirer des professionnels », pointe du doigt Magali Guegan, directrice adjointe de la santé publique à l’ARS. L’Agence s’est donc saisie de l’opportunité offerte par la mesure 27 du Ségur de la santé, qui ouvre la voie au développement et au renforcement de dispositifs visant à lutter contre les inégalités de santé, avec notamment la reconnaissance réglementaire de plusieurs types d’équipes mobiles dans le champ médico-social et des financements sur 15 ans.
DEUX APPELS À PROJETDans ce cadre, l’ARS a lancé deux appels à manifestation d’intérêt en 2021. Le premier concerne les équipes mobiles composées d’un binôme infirmier/travailleur social facilement rattachables à des structures médico-sociales d’hébergement déjà autorisées, notamment des Lits haltes soins santé (LHSS) et des Appartements de coordination thérapeutique (ACT). « Les financements permettent aux équipes de s’agrandir, afin de déployer des prises en charge sur site et hors structure », fait savoir Magali Guegan.
Le second appel à projet concerne une nouvelle catégorie de structures créée par décret : les équipes mobiles médico-sociales pour les personnes en situation de précarité. Au niveau de l’ARS Ile-de-France, elles se déploient sous deux modèles. Tout d’abord les Équipes mobiles santé précarité (EMSP), ayant le même rôle que les équipes des LHSS, la distinction étant réglementaire. Puis les Équipes de soins infirmiers précarité (ESIP) ; l’équivalent des Services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), dédiée aux populations les plus précaires avec un binôme infirmier/aide-soignant.
UNE ÉQUIPE MOBILE SANTÉ PRÉCARITÉ DE SEINE-SAINT-DENISEn Seine-Saint-Denis, l’association Hôtel Social 93 a répondu au second appel à manifestation d’intérêt de l’ARS. À l’origine, elle n’intervenait que dans le champ du social, avec la mise à disposition d’hébergements aux personnes dans le besoin. « Nous avons souhaité être reconnus dans le secteur sanitaire, afin de disposer de moyens pour former une équipe professionnelle salariée, avec des travailleurs sociaux et des infirmiers », explique Laëtitia Joao, responsable de l’EMSP.
Depuis avril 2022, le binôme se déplace auprès des personnes en situation de précarité ayant une problématique de santé. Les signalements sont effectués par les Centres communaux d’action sociale (CCAS), les accueils de jour, les hébergements temporaires, le Service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO) ou encore le 115. « Nous intervenons auprès de personnes sans domicile ou en hébergement mais sans suivi médical », précise Cathy Injai, infirmière. Et d’ajouter : « Souvent elles refusent les soins en raison de mauvaises expériences antérieures, par méconnaissance du système de santé ou encore parce qu’elles sont victimes de problèmes psychologiques ou psychiatriques. »
En amont de l’intervention du binôme, les personnes ont généralement échangé avec un travailleur social, qui s’est assuré de l’intervention possible de l’EMSP. Celle-ci se déplace alors en camion et, « après avoir mis la personne en confiance et recueilli son consentement, j’effectue les premiers soins tels que des pansements ou des injections, rapporte l’infirmière. Je peux aussi faire de l’éducation thérapeutique ou mettre en place un suivi plus global, par exemple pour la prise en charge des pathologies chroniques. » En fonction de sa problématique de santé, la personne peut être orientée vers les urgences ou vers d’autres professionnels de santé pour mettre en place un parcours de soins coordonné. « L’objectif est de rendre les patients autonomes, donc s’ils peuvent se déplacer nous les laissons poursuivre seuls, sinon, nous les accompagnons », souligne Laëtitia Joao. Le travailleur social intervient quant à lui pour l’ouverture des droits et la mise en relation avec les différents dispositifs existants. Entre avril et septembre 2022, 40 personnes ont été suivies par l’EMSP de l’Hôtel Social 93.
Laure Martin
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