Des centres de santé dans la tourmente | Espace Infirmier
 
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20/06/2024

Des centres de santé dans la tourmente

Plusieurs centres de santé associatifs de Paris et de sa petite couronne sont menacés de fermeture. Les associations et les professionnels alertent, mais on peine à imaginer une solution pérenne sans une refonte totale du modèle économique de ces structures.

Le tribunal de commerce de Paris a tranché : le centre de santé Richerand, situé dans le 10e arrondissement de Paris, est placé en redressement judiciaire. C’est ce que la directrice médicale de cet établissement associatif, le Dr Jeanne Villeneuve, citée par l’AFP, a annoncé le 13 juin dernier. Il faut dire que la situation des centres de santé indépendants de la capitale inquiétait depuis longtemps. Quelques jours avant que la décision des magistrats ne soit connue, la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et l’Union syndicale des médecins de centre de santé (USMCS) publiaient un communiqué indiquant que non seulement le centre de santé Richerand, mais aussi six centres de santé gérés par la Croix-Rouge à Paris et dans les Hauts-de-Seine étaient menacés de fermeture à brève échéance.

« Il n’y a pas une seule raison pour expliquer cela, ce sont plusieurs choses qui se sont accumulées », tente de décrypter le Dr Hélène Colombani, présidente de la FNCS, qui pointe notamment la coûteuse mise aux normes de certains locaux, ou encore une crise covid particulièrement éprouvante pour des centres de santé « déjà fragiles économiquement ». La grande question, bien sûr, étant de comprendre les raisons de cette fragilité qui semble structurelle.

Pertes insoutenables

L’un des grands facteurs réside dans la façon dont le système de santé est financé, qui rend le modèle économique même de ces structures particulièrement délicat. « Les centres de santé sont payés à l’acte, ce qui ne compense pas les missions sociales de prévention qu’ils assurent », estime ainsi Hélène Colombani. Celle-ci ajoute que les centres de santé ont tendance à accueillir davantage de patients précaires que les autres structures de ville, et que même si le dernier accord national avec l’Assurance maladie prend en compte cette dimension, « cela n’est pas suffisant pour compenser les coûts engendrés pour prendre en charge ces publics ».

Voilà pourquoi la plupart des centres de santé ont besoin de subvention pour rester à l’équilibre. Dans beaucoup de situations, comme celles des centres de santé municipaux, ce sont des collectivités locales qui mettent la main à la poche. Mais pour les centres de santé associatifs, il faut trouver d’autres sources de financement. C’est ainsi que la Croix-Rouge qui, comme le rapporte Le Parisien, faisait en mars dernier état de « pertes insoutenables » à hauteur de 4,3 millions d’euros, s’est dite contrainte de cesser cette activité.

À la recherche de repreneurs

Reste à savoir ce que vont devenir les structures existantes. La FNCS a calculé que si rien n’était fait, « des dizaines de milliers de patients » se retrouveraient sans médecin traitant. Jeanne Villeneuve a précisé à l’AFP que le tribunal avait donné deux mois à d’éventuels repreneurs pour déposer une offre, sous peine de fermeture administrative. Elle a par ailleurs indiqué que des groupes privés s’étaient d’ores et déjà manifestés, mais que l’équipe espérait elle-même, « avec des partenaires », pouvoir « constituer une proposition de reprise ». Le Parisien signale quant à lui que la ville de Paris n’est « pas fermée » à la possibilité de « municipaliser » les deux centres de la Croix-Rouge qui se situent sur son territoire.

Reste que même si des solutions sont trouvées pour les centres de santé qui se trouvent actuellement en difficulté, cela ne règlera pas la problématique de fond de leur modèle économique. « Nos prestations ne sont valorisées qu’à hauteur de la somme des actes que nous pouvons enregistrer, le financement est donc par nature centré sur le curatif, déplore Hélène Colombani. Il faut donc réfléchir à de nouveaux modèles pour trouver des alternatives, et pour le moment, on est dans une situation où personne ne bouge. » Peut-être le tumulte politique en cours fera-t-il avancer les choses ?

Adrien Renaud

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