Des soignants de Sète tournent un clip pour sensibiliser au risque d’erreurs

« Je, je suis en routine, je ne risque rien. Je, je, suis très agile, quand je fais les soins. » Les fans de Mylène Farmer auront reconnu l’inspiration, non cachée, de son tube des années 1980, Libertine. « Nous avons cherché une chanson qui reste en tête », reconnaît Michaël Besse, coordinateur Qualité et gestion des risques, au sein des Hôpitaux du Bassin de Thau. Le clip met en scène une infirmière et une équipe soignante qui, pendant leur journée de travail « en routine », vont multiplier les erreurs. 150 environ sont à retrouver dans la vidéo d’un peu plus de 6 minutes. Maîtrise du risque infectieux, sécurité du patient et du professionnel, confidentialité, respect du patient, pratique soignante, prise en charge médicamenteuse, facteurs humains et organisationnels, sont autant de thématiques abordées dans ce clip conceptualisé par le collectif Studio HBT - qui rassemble des membres des équipes qualité et hygiène, un cadre de la direction des soins, un cadre formateur et une infirmière de psychiatrie - avec l’aide de professionnels connus et reconnus du secteur musical et cinématographique.

L’équipe n’en est pas à son premier coup d’essai. Déjà en 2022, alors que l’établissement allait débuter sa certification avec la Haute Autorité de santé (HAS), « nous rencontrions des difficultés à faire passer des messages sur la qualité et la sécurité des soins aux soignants, souligne Michaël Besse. Nous avons donc eu l’idée de parodier une chanson, là aussi pour qu’elle reste en tête, afin de sensibiliser à la certification ». Il se rapproche alors d’Elodie Merlo, cadre de santé, qui avait déjà expérimenté de nouvelles approches, notamment les karaokés, pour faire adhérer les équipes aux problématiques d’hygiène. « Nous avions décidé de bousculer les codes et de parodier Toutes les femmes de ta vie des L5, en reprenant l’idée de faire un casting comme dans l’émission de téléréalité, se rappelle le coordinateur Qualité et gestion des risques. Nous avons tourné des faux épisodes de casting – un par semaine – pour sélectionner des candidats et aboutir au vrai tournage du clip ″La certif’ c’est parti″. » A l’époque, l’une des chanteuses du groupe, Alexandra Canto, avait accepté d’être la marraine du clip de Hop’stars.

Cette fois-ci la démarche est identique mais avec la volonté « d’aller plus loin » et de se concentrer sur la notion d’erreur. Après avoir choisi de reprendre la musique de Libertine de Mylène Farmer, Michaël Besse s’est chargé de réécrire les paroles de la chanson, afin d’évoquer le quotidien d’une équipe soignante à l’hôpital. Il a ensuite écrit le scénario du clip, en intégrant environ 150 erreurs. « Nous voulions montrer que les erreurs ne sont pas nécessairement des événements catastrophes et bien souvent, elles sont commises en routine et c’est là le vrai danger », rappelle-t-il. « Avec ce clip, notre objectif a été d’élaborer un outil pouvant servir à tous », poursuit Elodie Merlo. La vidéo a été diffusée le 15 avril et le kit pédagogique avec les réponses, le 12 mai. Ce film est associé à des questionnements et non à des recommandations, afin d’interroger les pratiques professionnelles. « Il peut être utilisé par séquences ou par thématiques en fonction des intérêts et des problématiques qui se posent dans chaque service, précise-t-elle. L’idée n’est pas de donner des leçons mais de susciter le dialogue. »

Pour la réalisation du projet, « nous avons de nouveau sollicité Alexandra des L5, pour la direction artistique et le coaching vocal, indique Michael Besse. Sa participation était aussi une façon de motiver les équipes et de donner du poids à notre projet en montrant que nous ne l’élaborons pas uniquement entre nous. » Un vrai casting cette fois-ci, a été effectué en interne, afin de sélectionner des soignants sachant chanter. « Une fois sélectionné, ils se sont prêtés au jeu en répétant deux fois par semaine sur leur temps de déjeuner avec un cadre de santé passionné de musique », précise Elodie Merlo.

Pour la marraine du clip, le collectif y est allé au culot. « Nous avons sollicité l’actrice Sophie Tellier [qui a tourné dans Libertine de Mylène Farmer, NDLR], rapporte Michaël Besse. Elle a accepté de jouer dans notre clip, tourné par un réalisateur sétois, et d’effectuer la mise en scène. » Le compositeur de Libertine a quant à lui donné son accord pour l’utilisation de la bande instrumentale sans avoir à payer de droit à la Sacem. De même que la musique introductive du clip a été écrite par un compositeur hollywoodien avec lequel Michaël Besse est en contact depuis plus de 20 ans. « Pour toutes les étapes, nous avons osé, et la bienveillance attire la bienveillance », se plait-il à rappeler, précisant qu’en dehors du studio d’enregistrement, toutes les personnes ont travaillé bénévolement. Quant à la direction de l’hôpital, en soutien au projet, elle a accepté d’accorder trois heures aux soignants pour le tournage, le reste devant être pris sur leur temps personnel ou en RTT.

Laure Martin