Aides-soignants originaires de Picardie, Wilfried Sarrazin et Julien Poultier ont décidé en 2021 de quitter la sédentarité pour voyager à travers la France en camping-car. Un choix personnel et professionnel puisque ces Nomades Soignants, comme ils s’appellent, s’installent tous les trois mois dans un désert médical afin de venir en renfort aux structures en difficulté.
« Depuis 2015, nous avions pris l’habitude de déménager régulièrement, explique Wilfried, aide-soignant depuis 2012. Tous les deux ans, nous faisions nos cartons, mais d’un point de vue logistique, cela devenait compliqué de toujours devoir trouver un logement et un travail. » Après le Pas-de-Calais, la Haute-Savoie et l’Oise, les deux aides-soignants envisagent la suite différemment. Lassés de perdre du temps, de l’argent et de l’énergie, le couple réfléchit à une solution d’habitat alternatif. Airbnb, Tiny house, caravane : ils passent différentes solutions au crible avant d’élire le camping-car, « plus pratique et autonome ». Avec la crise sanitaire, le projet a mis un peu plus de temps à démarrer mais en mars 2021, le camping-car est acheté et en septembre de la même année, le projet est lancé. C’est de nouveau en Haute-Savoie que les Nomades Soignants signent leur premier contrat dans le cadre de cette nouvelle vie, avant de partir en Charente-Maritime, dans le Finistère puis en Mayenne, et rejoindre prochainement l’Isère. S’ils travaillent principalement au sein d’Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ils exercent aussi dans des Maisons d’accueil spécialisée (MAS), des hôpitaux ou des établissements de soins de suite et réadaptation (SSR).
Appliquer les préceptes de L’Humanitude« Nous restons en moyenne trois mois dans chaque territoire, car plus longtemps, on se lasse », reconnaît Julien, aide-soignant depuis 2015. Cependant, le projet du couple est loin de se limiter à des envies de découverte du territoire français. Bien au contraire. « Nous privilégions les déserts médicaux, pour venir en renfort au sein des structures en difficulté de personnel soignant », indique Wilfried.
Les deux aides-soignants travaillent selon les préceptes du label l’Humanitude. Comme expliqué sur le site Internet dédié, l’Humanitude s’intéresse aux liens permettant aux humains de se rencontrer quel que soit leur état et leur statut. Le maintien de ces liens s’appuie sur trois piliers relationnels à savoir le regard, la parole, le toucher, et un pilier identitaire, la verticalité. Ces quatre piliers constituent « les bases incontournables, vitales des relations humaines positives tout au long de la vie ». En redéfinissant ce qu’est un soignant, la notion de personne et de personne aidée, l’Humanitude entend professionnaliser avec des techniques dédiées de prendre-soin, un accompagnement dans la bientraitance.
« Les structures au sein desquelles nous intervenons n’appliquent pas nécessairement ce concept, souligne Julien. Mais lorsque nous arrivons pour trois mois, contrairement aux soignants en CDI, nous pouvons mettre un coup de pied dans la fourmilière. Nous avons aussi un regard extérieur nous permettant d’observer et constater les dysfonctionnements, et les faire remonter de manière respectueuse aux directions. Généralement, elles nous remercient, car les mentalités soignantes changent avec nous. »
Un planning rempli jusqu’à octobre 2024Si dans un premier temps, les deux aides-soignants ont rencontré quelques difficultés à séduire les directeurs de structures, car jugés sur leur mode de vie itinérant, un relais médiatique leur a ouvert de nombreuses portes, si bien que leur agenda est rempli jusqu’à octobre 2024. « Aujourd’hui, ce sont les structures qui nous contactent pour nous demander de venir travailler chez eux, pointe Wilfried. Nous demandons simplement à être accueillis sur place avec notre camping-car afin de bénéficier d’un emplacement sécurisé avec un point électrique. » Et Julien d’ajouter : « Nous proposons deux temps pleins d’aides-soignants, forcément, cela plaît, dans un contexte de pénurie de professionnels. » Certains directeurs n’hésitent d’ailleurs pas pour leur proposer de rester et mettent tout en œuvre pour les convaincre, jusqu’à leur proposer de suivre des formations pour une montée en compétences. « Ce n’est pas notre projet pour l’instant, rappelle Julien. Nous voulons profiter de notre liberté et voyager. Nous n’avons aucune envie de retourner dans une routine de métro, boulot, dodo. Mais peut être qu’un jour, nous changerons d’avis. »