Développement durable: un enseignement délicat à l'Ifsi

Le terme est inscrit noir sur blanc dans le nouveau programme. Précisément dans l'unité d'enseignement 1.2.S3 : « Santé publique : les grands problèmes de santé publique, notamment ceux liés à l'environnement et au développement durable. » Pour Lucette Schweyer, cette simple phrase est une véritable avancée. Cette cadre de santé, formatrice à l'Ifsi Lionnois de Nancy, aborde le développement durable depuis 2004 dans ses cours. « J'ai toujours été convaincue personnellement qu'il était nécessaire de respecter l'environnement et d'adopter des gestes simples pour éviter le gaspillage. Y compris dans les soins. Mais à l'époque, ce type de message n'était pas largement partagé, et certains de mes collègues trouvaient que je faisais du prosélytisme auprès des étudiants…»

Surconsommation
Intervenant dans le cadre d'une table ronde sur « L'hygiène hospitalière et le développement durable », organisée par le Cclin-Est (1), Lucette Schweyer s'est tout de même dite assez perplexe quant à la traduction concrète en terme d'enseignement dispensé aux étudiants : « La formulation est très vague, chaque Ifsi la déclinera en fonction des sensibilités des intervenants », estime la cadre de santé qui trouve par ailleurs étonnant que le développement durable apparaisse en santé publique et non en infectiologie et hygiène. C'est pourtant là que les choses semblent poser problème : « Les étudiants ont par-dessus tout peur de commettre une faute d'hygiène, peur d'être responsables d'infections nosocomiales, peur d'être sanctionnés... Ils vont donc surconsommer et gaspiller du matériel », explique Lucette Schweyer.

Ainsi, l'étudiant aura tendance à tout jeter dans la poubelle des déchets d'activités de soins à risques infectieux (Dasri), sans faire le tri ; ou encore, il utilisera cinq ou six essuie-mains alors que deux suffisent... « Bien sûr, il faut respecter les protocoles, mais le soignant doit aussi faire preuve d'analyse et de discernement dans ses gestes pour avoir une consommation raisonnée de matériel », considère la cadre de santé.

"D'autres priorités"...
Sensibiliser les étudiants au développement durable ne s'avère pas simple. En effet, nombreux sont ceux qui semblent complètement indifférents à cette thématique et à ses enjeux. Les positions divergentes auxquelles ils sont confrontés sur le terrain, ne sont d'ailleurs pas de nature à convaincre les futurs soignants. « Il n'est pas rare d'entendre une cadre dire qu'elle a d'autres priorités que le tri des déchets », regrette Lucette Schweyer.

Pourtant, l'hôpital, qui est à la fois un grand consommateur de ressources, un utilisateur de produits toxiques et un gros producteur de déchets, est amené à devenir de plus en plus vert : le développement durable fait partie des exigences de certification inscrites dans la version 2010 du manuel de la Haute Autorité de santé. Aussi, si les infirmières ne peuvent agir en amont (choix des matériaux de construction du bâtiment, achats des produits...), elles peuvent, à leur niveau, adopter de petits gestes simples (gestion de l'eau, du papier, tri des déchets, etc.), qui ont un impact fort.

« L'un de mes étudiants a interviewé dans le cadre de son mémoire une centaine de soignantes : 80% se disaient sensibles au développement durable dans leur vie personnelle, mais ne voyaient pas comment elles pouvaient transposer ses principes sur leur lieu de travail. C'est vraiment étonnant. Car c'est tout à fait possible ! », conclut Lucette Schweyer.

Texte et photo: Aurélie VION

1 - Centre de coordination de la lutte contre les infections associées aux soins, colloque organisé jeudi 12 mai à Strasbourg.