association IPA Bretagne
En Bretagne où ont été formés 150 IPA depuis le lancement de cette profession, IPAssociation Bretagne organisait le 22 septembre 2023 sa première journée consacrée à ce nouveau métier. Elle a réuni plus de 250 personnes à Rennes (35) qui, d’une même voix ont rappelé le rôle central et complémentaire de l’IPA dans le système de soins, même si sur le terrain l’intégration patine parfois.
« Quand je suis retournée dans mon service hospitalier une fois diplômée, personne ne connaissait le métier d’IPA. Il a fallu trouver ma place, expliquer ma plus-value, rassurer les médecins sur l’intérêt de mes missions, complémentaires aux leurs. Ça a pris un peu de temps, mais tout le monde a fini par me faire confiance », rembobine Bernadette, IPA en cardiologie au CHU de Rennes. D’un même écho, Camille raconte son intégration en oncologie et hématologie dans le secteur privé... au prix de quelques négociations avec sa direction. « C’est l’hôpital de jour qui a porté notre voix pour montrer l’intérêt de notre rôle. On a réussi à lui faire comprendre que si on voit des patients en consultation, on peut parfois les orienter en HDJ ; ce qui a pesé dans la balance », rapporte celle qui a fait partie de la deuxième promo d’IPA formés à Brest. Puis vient le tour de Thomas qui, bien qu’il ait aujourd’hui sa propre patientèle, a dû essuyer de fortes réticences de la part des médecins de son territoire. Si la pratique avancée existe depuis 2018, date de la création du diplôme d’État, force est de constater que sa place au sein de l’écosystème de santé n’est pas encore acquise partout. Telle est du moins l’évidence qui émerge de ces témoignages recueillis lors de la première journée organisée par l’Association IPA Bretagne, qui a réuni 250 professionnels à Rennes (35) le 22 septembre dernier. « La Bretagne compte 150 IPA diplômés, dont 55 qui exercent en établissements et 19 en libéral, mais nous restons dans une période de tâtonnements. Il y a donc des esquisses, des ébauches, confirme Laurence Bot, IPA OHO (oncologie et hémato-oncologie) au CHU de Rennes. Le tout est d’essayer d’avancer ensemble. »
IPA-médecin : un duo gagnantPour cela, des barrières restent à lever, notamment du côté des médecins généralistes qui, par méconnaissance du métier, redoutent la concurrence. « Il ne faut pas raisonner IPA vs médecin car l’IPA apporte quelque chose en plus par rapport à la prise en charge du patient que ne peuvent pas apporter les autres professionnels de santé. Le dispositif est encore récent, et il faut le temps que les choses s’organisent pour que l’IPA puisse s’inscrire dans une pratique pluridisciplinaire, en lien avec les médecins de la manière la plus synergique et consensuelle possible », raisonne Stéphane Mulliez, Igas (Inspecteur général des affaires sociales). Voilà en effet comment le rôle de l’infirmière en pratique avancée peut pleinement s’exprimer et mettre à profit ses 5 missions clés que sont la formation, la recherche, le leadership, la coordination de soins et l’expertise clinique, sans empiéter sur les taches du médecin. « Ce ne sont pas des murs qu’on doit monter mais des ponts entre les médecins et les IPA », abonde Mathilde Garry-Bruneau, PhDs en sciences infirmières et chargée d’enseignement à l’université Rennes 1. Plusieurs solutions doivent être envisagées pour permettre une meilleure (re)connaissance du rôle central des IPA en co-disciplinarité. La première, estime Stéphane Mulliez, doit venir du gouvernement et du ministère : « Il faut une volonté de mieux faire connaître le métier et sa plus-value par rapport à l’organisation des soins ». Autre piste évoquée : celle d’une forme d’intéressement financier qui s’adresserait aux médecins dans l’objectif de les encourager à s’investir dans un cadre collectif, en travaillant avec les IPA. « Aujourd’hui, il y a une relation de nécessité très forte entre le médecin et l’IPA, et on constate que, en ce qui concerne les IPA installés en ville, c’est difficile de se faire une patientèle sans leur aide. Il faut pouvoir valoriser le médecin dans cette transmission », justifie Arnaud Boyer, directeur adjoint à la CPAM Ille-et-Vilaine (35).
Diplôme uniqueEnfin, la professionnalisation de ce nouveau métier du soin passe aussi par l’entrée des sciences infirmières à l’université. Aline Corvol, responsable un DE IPA à l’université de Rennes 1, en est convaincue : « C’est le premier enjeu d’empowerment et de reconnaissance de la profession. Il y a énormément de questions pratiques du quotidien qui n’ont aujourd’hui pas de réponse scientifique et qui n’émergeront que si nous avons des infirmiers qui proposent des projets de recherche. » Parallèlement, des ajustements sont à prévoir du côté du diplôme qui, dans sa forme actuelle, ne fait pas l’unanimité. « D’abord trois, puis 5 mentions et sans doute d’autres à venir. Je pense que nous faisons fausse route. Pour moi, le diplôme doit être unique pour redonner de l’attractivité à ce diplôme. De même, cette formation doit se faire en deux ans, à temps plein. Dans les établissements qui autorisent un accès en M2, on passe à côté de la cible », regrette Eric Bellissant, doyen de la faculté de médecine à l’université de Rennes 1. Un avis que partage Aline Corvol qui espère rapidement une V2 du DE, avec non pas une approche par pathologie mais un socle commun et, en fin de parcours, la possibilité de valider des options. « Ceci éviterait que nous n’ayons que 2 étudiants répartis dans chaque mention ; ce qui en termes de plannings est un vrai casse-tête », regrette-t-elle. En somme, plus la pratique avancée sera enseignée de façon globale, plus elle se rapprochera des attendus du terrain, et plus elle gagnera en lisibilité et en attrait. De quoi convaincre de nouveaux IDE ou IDEL de se former et leur offrir ainsi des perspectives positives d’évolution.