En Haïti, la bataille du choléra

26/11/2010

En Haïti, la bataille du choléra

Après le séisme dévastateur de janvier, une épidémie de choléra frappe le pays depuis un mois. Passé la panique des premiers jours, la prise en charge s’organise avec l’aide des ONG et des instances internationales.

Un attroupement devant un portail en fer rouge : c’est l’entrée du centre de traitement du choléra (CTC) de Médecins sans Frontières à Tabarre, l'une des communes de la banlieue de Port-au-Prince. « Je viens apporter cette boisson à une amie enceinte qui est malade, elle va peut-être mourir, pourquoi vous ne me laissez pas entrer? », enrage une jeune femme, une canette de soda à la main. Derrière la porte, un gardien bloque l’entrée. Tout juste finit-il par accepter de remettre la boisson à la patiente en question.

Déjà 28.000 cas et 1.500 morts
Depuis le 19 octobre, date à laquelle les premiers cas ont été diagnostiqués dans la commune de Mirebalais, sur le plateau central, quelque 28.000 cas de cholera ont été recensés et 1.523 personnes sont décédées. La maladie, jusqu’alors inconnue dans le pays, a mis en ébullition organisations internationales, ONG et responsables de la santé publique, qui ont adopté un modèle de prise en charge en forme de circuit : triage, observation, hospitalisation, convalescence.

Les cas les plus sévères intègrent directement la phase d’hospitalisation, où ils sont réhydratés par perfusion de Ringer Lactate ® parfois sur deux voies de perfusion. Pour les autres cas, la réhydratation orale et une observation des signes cliniques suffisent généralement à remettre le patient sur pied, parfois très rapidement. « En une ou deux heures, on peut observer une amélioration, se félicite le docteur Lambert, le médecin infectiologue responsable de la clinique des diarrhées aiguës à l’hôpital général de Port-au-Prince. C’est ce qui nous encourage à travailler. »

Lits percés
A Tabarre, Médecins sans Frontières a installé un dispositif de 250 lits sur un vaste terrain clos. Personnels expatriés et haïtiens s’y côtoient, ainsi qu’un important staff dédié à l’hygiène des lieux et à la construction de lits spéciaux : une toile en plastique est fixée sur un châssis de bois; en son centre, un trou percé permet aux malades souffrant de diarrhée aiguë de déféquer directement dans un seau placé sous le lit.

« Le choléra exige un encadrement spécifique, explique Catherine Beuve, infirmière française. Il faut une surveillance poussée des malades, au minimum toutes les heures. » Les signes de déshydratation sont spécifiquement observés : excavation des orbites, plis cutanés, évolution de la sensation de soif, capacité à boire, etc. Pour aller d’un secteur à l’autre du centre, qui compte une quinzaine de tentes, le passage par le pédiluve, imprégné d’une solution chlorée, ainsi que le lavage des mains, principale mesure de prévention de la transmission, sont obligatoires.

Assises sur l’herbe, entre deux tentes, deux femmes lisent la Bible. « C’est notre père qui est ici. Il dort pour l’instant, mais il a toujours des diarrhées », expliquent les deux sœurs. Exceptionnellement, elles ont pu entrer toutes les deux, mais en général un seul membre de la famille est admis. Dans d’autres CTC, parmi les 40 que compte le pays à ce jour, seuls les enfants bénéficient de la présence d’un accompagnant. C’est notamment le cas à la clinique des diarrhées aiguës de l’hôpital général, le seul CTC mis en place à ce jour dans la capitale par le ministère Santé publique. Malgré ses nombreux camps de déplacés, Port-au-Prince reste en effet relativement épargnée par l’épidémie. « Dans les camps, finalement, les gens bénéficient d’une eau propre et de latrines, souligne Yves Lambert. Ils ont aussi des séances de prévention. Si bien que les patients que nous avons proviennent surtout des quartiers populaires et des bidonvilles de la capitale. »

Besoin de renfort
L’épidémie s’est néanmoins propagée vers le Nord du pays, sans pour autant quitter le plateau central et l’Artibonite, où des améliorations sont cependant constatées. « Les patients arrivent maintenant à un stade plus précoce », note le Dr Maxi Raymonville de l’ONG Zanmi Lasanté, qui partage avec le ministère de la Santé haïtien la responsabilité du CTC de Mirebalais. D’où probablement, une moindre mortalité par rapport aux premiers jours de l’épidémie (de source officielle, elle serait descendue de 8 à 5 % des cas diagnostiqués), même si la morbidité se maintient.
Selon les experts de la Pan American Health Organisation, le cholera devrait malheureusement perdurer en Haïti. Quelque 400.000 cas pourraient se déclarer dans l’année à venir, dont 200.000 les trois prochains mois. « Dans ces conditions, il est extrêmement important que la logistique pharmaceutique suive et que nous n’ayons pas de rupture de médicaments », souligne le Dr Yves Lambert. Des renforts en personnel soignant sont également réclamés…

Sandra Mignot
Photo: Elohim Carrau

Légende. Dans la tente des cas sévères, au centre de traitement du choléra de l'hôpital de Mirebalais.

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