Doit-on favoriser ou non la participation des familles aux soins? Une controverse débattue lors de l’une des conférences organisées par la Société de réanimation de langue française (SRLF) lors de son récent congrès.
Masser les talons, aider à la toilette, à faire manger un parent hospitalisé… Autant de soins qui pourraient être administrés par les familles. Un conditionnel important face à une question délicate. En réanimation, ces dernières années, la tendance est à l’ouverture aux proches.
Selon une étude de la commission d’éthique de la SRLF menée dans 78 services de réanimation (L’information au patient en réanimation et à ses proches, 2001, disponible ici), 88% des soignants souhaitent cette implication. Dans des services où le taux de mortalité est de 20%, elle se fait sentir de façon aiguë.
« En France, la relation entre le corps médical et les familles est souvent empreinte de paternalisme. Pour une meilleure compréhension, le bon consensus serait d’aller vers une relation de partenariat », avance Irma Bourgeon, cadre infirmière en réanimation médicale au CHU Henri-Mondor (Créteil, 94). Ce « partenariat » n’est pas sans poser problème, et d’abord pour la volonté du patient. Selon une étude de Frédéric Pochard sur 26 services de réanimation (doctorat d’université, Paris V, 2000), seuls 37% des patients peuvent être interrogés. « On a besoin des familles car le patient est souvent inapte à prendre des décisions. Et plus elles sont présentes, mieux elles comprennent le traitement », soutient Irma Bourgeon.
Questions de responsabilité
Pas aussi simple, assure Véronique Lombardo, infirmière en réanimation au CHU de Clermont-Ferrand : « Une admission en réanimation est brutale, on n’a pas pu l’anticiper et donc connaître l’opinion du patient. C’est difficile de déterminer qui est la personne de confiance, il y a parfois des conflits familiaux cachés. » Et de rappeler qu’en dernier recours, la famille n’a qu’un rôle consultatif.
Autre objet de réflexion : quels soins les familles sont-elles susceptibles de pratiquer ? L’idée est de s’en tenir à des soins de bien-être, peu techniques, réalisés de façon confortable, dans le respect de l’intimité du patient, et toujours en présence d’un soignant. Mais pour Véronique Lombardo, même des choses simples peuvent poser problème. Et d’évoquer la question de la responsabilité, par exemple pour la gestion des fausses routes lors du repas ou en cas de survenue d’une infection nosocomiale.
Un faux problème, pour Irma Bourgeon : « Il faut savoir anticiper les événements indésirables. Il y a une façon d’impliquer les familles. Se convaincre qu’elle n’est pas un problème et s’interroger sur la pertinence de sa participation. Cela se fait dans une réflexion avec l’équipe soignante et avec modération. » « Il faut être à l’écoute des familles mais ne pas créer une demande », maintient Véronique Lombardo. Elle juge problématique la raison de l’implication des familles : aider des infirmières en burn-out. Et se dit plus favorable, par exemple, à l’écriture d’un journal de bord.
Sarah Elkaïm
Le 39e congrès international de la SRLF s'est déroulé à Paris (La Défense) les 19, 20 et 21 janvier.
A lire dans L'Infirmière magazine n°273 du 15 février 2011: un dossier complet sur la place des parents dans les soins (maladies chroniques, soins palliatifs, réanimation...)