Endométriose : « Les infirmières sont le phare dans la tempête » | Espace Infirmier
 
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14/03/2024

Endométriose : « Les infirmières sont le phare dans la tempête »

D’après les données du ministère de la Santé, 2 millions de femmes françaises sont atteintes d'endométriose, soit 1 personne sur 10. L’information et la prévention sont au cœur de la prise en charge afin de réduire l’errance thérapeutique. Dans ce cadre, les infirmières ont un rôle clef à jouer. Le point avec Yasmine Candau, présidente de l’association EndoFrance.

 

Comment se caractérise l’endométriose ?

Cette maladie chronique tire son nom de l’endomètre, la muqueuse qui tapisse l’utérus et qui grossit chaque mois, dans le but d’accueillir un embryon. Il se détache en l’absence de fécondation, ce qui donne les règles. Une femme est atteinte d’endométriose lorsque des tissus semblables à ceux de la muqueuse utérine sont présents en dehors de la cavité utérine et subissent l’influence des modifications hormonales à chaque cycle menstruel. Ces cellules vont donc saigner dans différentes parties du corps, générant des kystes, des nodules et affectant les organes sur lesquels elles se sont greffées. L’endométriose, douloureuse, est à l’origine de 40 % des causes d’infertilité.

Existe-t-il plusieurs niveaux d’endométriose ?

Il en existe en effet plusieurs formes.

Avec l’endométriose superficielle, les cellules sont attachées au péritoine et vont se développer uniquement sur cette membrane. Même si cette endométriose est dite légère, elle n’en est pas moins douloureuse car de nombreux nerfs se situent à proximité du péritoine.

L’endométriome est quant à lui un kyste ovarien qui va endommager la réserve ovarienne.

Avec l’endométriose profonde, les lésions traversent le péritoine et entrent de plus de 5 millimètres dans les organes : la vessie, le vagin, le rectum, l’intestin, le diaphragme. En fonction de la localisation des lésions et de leur sévérité, d’autres symptômes peuvent être associés notamment les troubles urinaires (sensation d’infection urinaire, mictions fréquentes surtout la nuit) et digestifs (alternance diarrhée/constipation), des douleurs pendant les rapports sexuels, une fatigue chronique…

Enfin, il existe des formes extra-péritonéales qui peuvent créer des pneumothorax ou encore l’adénomyose avec des lésions situées dans le muscle utérin.

En quoi consiste la prise en charge ?

L’objectif est de stopper les règles pour éviter aux lésions de saigner, de grossir et de se développer au fil des mois et des années, augmentant les douleurs et les symptômes. La Haute autorité de santé (HAS) recommande comme traitement de base, la prise de la pilule contraceptive en continu pour éviter la transmission du message hormonal et stabiliser progressivement les lésions voire les faire régresser. Mais la difficulté consiste à trouver le traitement apportant le meilleur bénéfice/risque. Lorsque la chirurgie est envisagée, elle doit être réalisée par des experts car l’intervention sur le rectum ou la vessie est complexe.

Qu’en est-il du diagnostic ?

L’examen de référence reste l’imagerie et l’échographie endovaginale en première intention, qui doivent être effectuées par des radiologues formés à la recherche de l’endométriose. Chez les adolescentes, le diagnostic peut être plus compliqué à établir car l’échographie endovaginale n’est pas réalisée chez celles n’ayant jamais eu de rapports sexuels. L’alternative reste l’IRM mais elle ne permet pas toujours de détecter une endométriose superficielle car les cellules sont trop petites. Elles doivent donc être plus particulièrement prises en charge par des professionnels de santé à l’écoute, qui agiront sur la douleur. 

 

Que pensez-vous du test salivaire développé par une société française ?

C’est très prometteur, nous attendons beaucoup de cette innovation. Mais pour le moment, la HAS estime que les résultats ne sont pas suffisants pour statuer. Des études complémentaires sont en cours. [La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a annoncé le 7 mars qu’un travail était en cours pour que la Sécurité sociale puisse intégralement prendre en charge, en janvier 2025, ce test salivaire pour détecter l'endométriose, d’un coût de 1000 euros environ. Une expérimentation sur 3000 femmes se déroule jusqu'à la fin de l'année. Pour appliquer cette mesure, le gouvernement attend l’avis de la HAS, NDLR].

 

Les professionnels de santé sont-ils correctement formés aujourd’hui au diagnostic de l’endométriose ?

L’endométriose fait l’objet d’une stratégie nationale depuis février 2022. La communication autour de cette maladie est actuellement beaucoup plus prégnante qu’il y a quelques années. La prise de conscience s’effectue à tous les niveaux permettant aux personnes souffrant pendant leurs règles de se questionner plus vite et de solliciter un avis médical. La stratégie nationale vise aussi à mieux former les médecins et autres professionnels de santé concernés, ainsi qu’à créer des filières de soins dédiées. Elles se mettent progressivement en place pour une meilleure orientation des patientes dans les territoires auprès de soignants formés pouvant poser le diagnostic et orienter, si besoin, vers d’autres professionnels compétents dans une démarche de facilitation de l’accès aux soins.

Quel rôle les infirmières peuvent-elles jouer ?

Les infirmières ont un rôle essentiel à jouer vis-à-vis des patientes. Les infirmières de l’Education nationale interviennent par exemple au niveau de la prévention, de l’information et de l’orientation. Nous leur dispensons des formations afin qu’elles sachent reconnaître l’impact de la maladie et les signes devant les alerter vis-à-vis des jeunes filles les sollicitant. L’endométriose conduit à l’absentéisme scolaire, elles doivent l’avoir en tête. Aujourd’hui, nous avons de bons retours de jeunes filles nous disant avoir été entendues et orientées par des infirmières de l’Education nationale. De même que certaines d’entre elles nous sollicitent pour des actions de sensibilisation en classe. C’est encourageant car plus tôt la maladie est diagnostiquée, plus vite il est possible de bénéficier d’une prise en charge adaptée, d’une qualité de vie et d’agir sur la fertilité pour celles qui veulent des enfants. Mais il est important aussi de rappeler que toutes les douleurs de règles ne sont pas dues à l’endométriose.

Les personnes atteintes d’endométriose sont aussi amenées à être prises en charge par des infirmières libérales, pour les suites opératoires ainsi que pour des traitements nécessitant des injections régulières. Lorsqu’elles sont sensibilisées à la maladie, elles peuvent répondre aux interrogations. Et sans être alarmistes, car chaque cas est unique, elles peuvent encourager les mères à être à l’écoute de leurs filles, si plus tard elles se plaignent de douleurs similaires car elles ont cinq fois plus de risque de développer la maladie, si leur mère en est atteinte.

Enfin, en institution, les infirmières sont le phare dans la tempête. Nous savons que leur situation est loin d’être facile dans les hôpitaux. Pour autant, post-chirurgie, leur soutien et leur écoute sont indispensables.

Propos recueillis par Laure Martin

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