Entente France-Québec : gagnant-gagnant ?

03/07/2012

Entente France-Québec : gagnant-gagnant ?

Deux ans après sa signature, l’arrangement de reconnaissance mutuelle visant à renforcer la mobilité des infirmiers entre la France et le Québec a permis à 268 infirmiers français de s’expatrier. Mais il peine à convaincre les Québécois.

Elle a « ouvert les portes ». Près de deux ans après la signature, le 30 juin 2010, de l’arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) visant à faciliter la mobilité des infirmiers français et québécois, Maude Leduc-Préfontaine*, 32 ans, est la première soignante québécoise à avoir obtenu la reconnaissance de ses qualifications professionnelles pour pouvoir exercer en France. « Je finissais mes études quand l’ARM était en cours d’élaboration. Avec mon mari, qui a de la famille à Toulouse, on s’est dit que c’était l’occasion de venir passer quelques années en France », raconte cette mère de famille, qui exerçait auparavant dans un hôpital de Montréal. L’arrêté formalisant l’ARM n’ayant été pris qu’en décembre 2011 en France, l’attente a été longue pour la Québécoise. « J’ai tenu six mois sans rentrée d’argent, j’ai dû rentrer au Québec pour travailler », témoigne-t-elle. Après avoir validé un stage de 75 jours dans une clinique médico-chirurgicale des Pyrénées-orientales, Maude Leduc-Préfontaine a finalement obtenu le précieux sésame, qui lui a permis de se faire embaucher ensuite à l’hôpital psychiatrique de Thuir, près de Perpignan.

Mais, juge-t-elle, « il reste beaucoup à faire pour mieux intégrer les Québécoises ». Et de citer le cas d’une compatriote « qui a fait sept ans d’études, possède une maîtrise, peut enseigner au Québec, mais dont on ne reconnaît que le diplôme d’infirmière générale ». Elle-même ne peut faire valoir ses formations de clinicienne et de puéricultrice. Quant au salaire, il est largement en-dessous de ce qu’une infirmière clinicienne peut gagner au Québec, affirme Maude Leduc-Préfontaine, pour qui « il faut avoir des raisons personnelles pour tenter l’aventure ».

Conditions plus restrictives pour les Québécois
De fait, les Québécois ne seraient qu’une dizaine à avoir sauté le pas. « Il y a ceux qui suivent leur conjoint, et ceux qui veulent s’expatrier. Mais les Québécois vont plus facilement vers la Suisse », reconnaît Julien Sanchez, responsable commercial à France Québec santé, une société qui facilite l’expatriation des infirmiers de la Belle province. Les conditions à remplir sont également plus restrictives : alors que les 520 000 IDE françaises sont éligibles à l’ARM, seules 22 700 Québecoises, titulaires d’un baccalauréat* obtenu dans la province, peuvent en bénéficier. Autre limite côté français : « Très peu d’établissements connaissent l’entente », explique Julien Sanchez, qui vante pourtant l’avantage de la langue.

De l’autre côté de l’Atlantique, quelque 268 infirmières françaises ont obtenu un permis de travail depuis la signature de l’ARM – en vigueur depuis l’été 2011 -, contre une petite centaine par an avant 2010, précise Carole Mercier, secrétaire générale de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). « La France est le bassin de recrutement le plus important. Au Québec, l’équivalence du diplôme est reconnue depuis 2000. Avec l’ARM, les Françaises n’ont plus besoin de passer l’examen professionnel », expose-t-elle. Pouvoir d’achat plus important, organisation du travail plus souple, moins de patients à prendre en charge… Le Québec semble être un eldorado pour ces Françaises en quête de dépaysement. Même si le statut de clinicienne ne leur est pas encore accordé systématiquement. Pour l’instant, « cela dépend des établissements. Nous l’avons réclamé au gouvernement pour les infirmières titulaires de la licence mais ça va se négocier avec les syndicats », explique Carole Mercier.

Reste que l’ARM, solution avancée à la pénurie de soignants qui fait rage des deux côtés de l’Atlantique, semble davantage bénéficier au Québec qu’à la France. Et si l’ONI, organisateur français, venait à disparaître, l’arrangement pourrait bien être remis en cause.

Aveline Marques

 

* L'interview complète dans L'Infirmière magazine du 15 juillet.

* Le diplôme d’étude collégiale (DEC) en soins infirmiers, formation en trois ans permettant d’exercer en tant qu’infirmier technicien, n’a pas été reconnu équivalent à la licence française, qui comprend 1395 heures d’enseignement en plus. Le baccalauréat est une formation universitaire en deux ans permettant de devenir infirmier clinicien.
Autres conditions, communes aux Français et aux Québécois : détenir une aptitude légale d’exercer la profession, justifier de 500 heures de travail si le diplôme a été obtenu depuis plus de quatre ans, valider un stage de 75 jours et adhérer à l’ordre national.

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