Un documentaire, réalisé par Nils Tavernier et Gil Rabier, laisse la parole aux parents, médecins et infirmières qui ont, un jour, été confrontés à ce tabou qu'est l'erreur médicale en milieu pédiatrique.
Que reste-t-il de nos erreurs ? Dans ce film documentaire (1) saisissant d’authenticité, des parents témoignent de leur vécu face à une erreur survenue au cours d’un soin dispensé à leur enfant, ayant entraîné des conséquences de gravité très variable. Leur colère, leur perte de confiance, leur peur, mais aussi leur soif de comprendre ponctuent les propos de médecins, d’infirmières, exprimant la stupéfaction, la honte, l’émotion d’avoir été ainsi pris en flagrant délit d’imperfection, confrontés aux limites de leur savoir et de leurs compétences.
C’est à l’initiative d’un groupe de l’Espace éthique AP-HP, « Parents et soignants face à l’éthique en pédiatrie », fondé en 1997, que ce travail a été réalisé pour tenter de répondre à la question : « Pourquoi, dans des situations difficiles, certains parents, certaines familles, maintiennent la relation de confiance avec l’équipe soignante, alors que d’autres éprouvent de la défiance, voire de la méfiance, pouvant aller jusqu’à une rupture complète ? »
« Un sujet tabou »
L’erreur est un traumatisme pour la famille, et tout autant pour les soignants. L’ignorer ne peut rien résoudre et risque d’en accentuer les conséquences pour tous. Mais, annoncer à des parents que leur enfant a été victime d’une erreur dite médicale mobilise des capacités humaines et éthiques particulièrement exigeantes. Aucun mot, aucune attitude ne sont anodins. On le comprend lorsque l’on entend, parfois plusieurs années plus tard, comment les détails de l’echange qui a suivi ont laissé des traces indélébiles dans les mémoires. L’annonce de l’erreur prend son sens, non seulement dans le message, mais aussi dans le langage corporel des personnes qui sont là pour dire, souligne Dominique Davous, initiatrice du projet et maman de Capucine, 14 ans, décédée suite à une erreur médicale pendant le traitement d’une leucémie.
« Aime la vérité, mais pardonne l’erreur », disait Voltaire. Encore faut-il que transparence et ouverture soient au rendez-vous sur le chemin de la relation parents-soignants. Pour les professionnels, ce « sujet extrêmement complexe, c’est un sujet tabou. C’est une peur qui est omniprésente dans la pratique des soignants », relève le Docteur Anne Auvrignon, médecin en hématologie-oncologie pédiatrique à l'hôpital Trousseau (AP-HP), qui témoigne dans le documentaire. Les soignants doivent pouvoir mettre des mots pour rompre l’isolement dans lequel renvoie la culpabilité. Pourtant, l’erreur n’annule pas la valeur de l’effort accompli.
Base de réflexion
Ce film, qui ne dénonce pas mais rompt le silence, est une base de cheminement, de réflexion qu’on ne peut que recommander aux formateurs en Ifsi ou Ifcs, aux facultés de médecine, aux cadres de santé dans les services auxquels on rappelle à l’envi qu’ils sont garants de la qualité des soins. Car « la seule véritable erreur est celle dont on ne tire aucun enseignement », selon John W. Powell. Alors, quel meilleur outil pédagogique que ce film, que ces 600 000 erreurs médicales recensées chaque année pour sensibiliser et assurer la formation continue des soignants ?
Sylvie Gervaise
(1) DVD diffusé par l’Espace éthique de l’AP-HP. Pour commander, erreurlefilm@gmail.com (18 € = 15 € + 3€ pour les frais d'envoi)
(2) Un événement indésirable grave est signalé chaque jour dans un service de 30 lits, selon l’enquête nationale sur les événements indésirables liés aux Soins (ENEIS), initiée par le ministère de la Santé en 2010. 600 000 erreurs médicales ou « accidents médicaux » ont lieu chaque année en France, selon le ministère.
Visionner le teaser du documentaire: