Erreurs médicamenteuses : déclarer pour apprendre

13/04/2011

Erreurs médicamenteuses : déclarer pour apprendre

Les facteurs à l'origine de la survenue d'une erreur médicamenteuse dépassent largement la seule négligence d'une infirmière et concernent toutes les étapes du circuit du médicament. Déclarer ces erreurs fait partie de leur prévention.

Erreur de prescription, de lecture, lisibilité défaillante de la prescription, erreur d'étiquetage, de délivrance, de produit, de conservation, de dosage, de personne... les erreurs médicamenteuses peuvent survenir à tous les points du sinueux circuit du médicament. Tous ses acteurs sont concernés, mais les infirmières, dernier maillon de la chaîne avant l'administration des produits au patient, occupent une place stratégique dans la prévention de ces erreurs, qui sont loin d'être négligeables.

En effet, selon l'enquête Eneis (1) de 2004, la moitié des événements indésirables graves implique des erreurs médicamenteuses. Pour le Dr Anne Guidat, anesthésiste réanimatrice au CHRU de Lille, la combinaison de deux approches permet d'accroître la sûreté du système et de réduire le risque d'erreurs. La première, la sécurité réglée, vise à anticiper les problèmes. Cela peut passer par les protocoles ou les « détrompeurs », qui empêchent par exemple de brancher l'oxygène sur l'arrivée de protoxyde d'azote, a-t-elle expliqué lors des dernières Journées lilloises d'anesthésie réanimation (JLAR). De même, on peut prévoir de rendre impossible la préparation au même endroit de la nutrition entérale et des voies intraveineuses.

Gérer l’imprévu
Mais tout ne peut être prévu : la seconde approche, la sécurité gérée, concerne la réaction aux situations imprévues. « Elle repose sur l'expertise humaine, souligne Anne Guidat, sur notre professionnalisme et la qualité de nos initiatives. » Sur la qualité du collectif de travail, aussi.

Le cas clinique utilisé pour illustrer le propos montre qu'une erreur n'est souvent que le résultat d'un cumul de plusieurs dysfonctionnements ou d'erreurs, et pas forcément la conséquence d'une négligence ou d'une incompétence. Par exemple, le surdosage morphinique d'un patient survenu par la combinaison de plusieurs facteurs décrits par la démarche ALARM: les pompes à morphine du service ont été choisies il y a dix ans pour être programmées sur 48h par les Iade au bloc ; leur connectique défaillante oblige une nouvelle infirmière (non Iade) à répondre à une proposition de reprogrammation inopinée, qui conduit à une augmentation importante de la dose totale administrée au patient ; l'infirmière a cru bien faire, ne s'apercevant pas de son erreur, et n'a pas demandé d'aide à l'équipe qui de toute façon n’était pas formée à l'utilisation des pompes, du fait d'un climat peu favorable et d'une forte charge de travail au moment des faits... « Il n'y avait pas de protocole ni de mode d'emploi, les infirmières du service n'étant pas censées s'occuper de ces pompes », précise Anne Guidat.

Ne pas négliger les « presqu’accidents »
La plupart des erreurs médicamenteuses sont « récupérées » chaque jour dans les hôpitaux. Mais un bon moyen d'éviter qu'elles se produisent ou se reproduisent, insiste Christian Bonenfant, responsable du pôle pharmacie-DIM au centre hospitalier d'Armentières, consiste à déclarer ces erreurs lorsqu'elle surviennent... mais aussi quand elles ont failli survenir et ont pu être évitées à temps, celles qu’on qualifie de « presqu'accidents ».

« Il faut mettre en place un système déclaratif des erreurs médicamenteuses », outil informatique ou main courante, explique-t-il. Il doit concerner tous les acteurs, à toutes les étapes du circuit du médicament et donner la possibilité à chacun, y compris au patient et à son entourage, de signaler les erreurs constatées, quelles qu'elles soient. Il faut également qu'un « référent erreur médicale » reçoive ces déclarations pour étudier et qualifier les erreurs déclarées, en informer et sensibiliser les professionnels et les présenter à un comité de retour d'expérience (CREX) ad hoc. Ce comité pourra définir les mesures à mettre en place pour éviter qu'elles se reproduisent, les évaluer et communiquer sur leurs résultats. « Déclarer, c'est apprendre par l'erreur », martèle Christian Bonenfant.

L’erreur n’est pas une faute
Seul un « environnement favorable » permettra à la culture de la déclaration de se développer dans les services, poursuit le pharmacien. Cela suppose un véritable  management de la gestion des risques liés aux soins, le développement d'une véritable culture de la sécurité, l'organisation d'un système déclaratif mais aussi la formation des acteurs du circuit du médicament. Surtout, « il faut créer un climat de confiance, souligne Christian Bonenfant. Une erreur médicamenteuse n'est pas une faute professionnelle, la déclarer n'est pas une délation et elle ne doit pas entraîner une sanction. » Une déclaration ne doit pas faire l'objet d'un jugement et il faut accompagner la personne qui a fait l'erreur. Trop souvent, « les soignants sont les deuxièmes victimes des erreurs médicamenteuses », souligne une participante... On est encore loin, en France, des félicitations exprimées aux professionnels déclarant des erreurs dans certaines entreprises ou pays anglo-saxons...

Texte: Géraldine Langlois
Photo: © lala - Fotolia.com

1 - Enquête nationale sur les événements indésirables associés aux soins.

 

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