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En collaboration avec le ministère de la Santé, le Comité d’entente des formations infirmières et cadres (Cefiec) a rendu public le 23 mars les résultats d’une enquête sur le profil des étudiants en soins infirmiers (ESI) dans les instituts et leur employabilité. Si toutes les données ne peuvent pas encore être généralisées, elles présagent toutefois des mesures à prendre pour l’avenir.
Lancée du 5 décembre 2021 au 4 janvier 2022 auprès de l’ensemble des instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) adhérents au Cefiec, cette enquête visait à identifier les entrées en formation en soins infirmiers, les interruptions, les causes et, in fine, l’employabilité des étudiants à l’issue de la formation. Des informations importantes dans un contexte d’augmentation des quotas au sein des Ifsi : dans un communiqué du 14 mars 2022, le ministère de la Santé a annoncé, dès 2023, 13 600 places supplémentaires par an dans les formations sanitaires et sociales (soit 5 870 places en Ifsi et 5 763 en Ifas).
Augmentation des quotas/équipes pédagogiques sous pressionD’après les résultats de l’enquête*, 71,5 % des instituts proposent entre 50 et 150 places de formation. Seuls 17,75 % ont une capacité d’accueil au-delà des 150 places. À la suite du Ségur de la santé, 50 % des Ifsi ont augmenté leurs capacités d’accueil de 1 à 10 places, et 1/3 de plus de 10 places. « Mais une grande partie d’entre eux ont proposé plus de places sans pour autant associer cette augmentation à un véritable accompagnement architectural, donc en maintenant la même taille de salles pour un plus grand nombre d’élèves, regrette Michèle Appelshaeuser, présidente du Cefiec. Ils n’ont pas non plus employé davantage de formateurs. Avec les nouvelles annonces sur les quotas, un comité de suivi va être mis en place afin de réfléchir aux problématiques que cette décision pose. » En cause : la qualité de l’enseignement, mais aussi l’épuisement des équipes pédagogiques « soumises à une forte pression ».
Mauvaise orientationSi la formation en soins infirmiers affiche sur Parcoursup un nombre important de vœux et se place, depuis trois ans, en tête des choix des futurs étudiants, le Cefiec estime que cette situation doit être mise en corrélation avec les entrées effectives ainsi qu’avec les fuites d’étudiants deux mois après la rentrée. En ne conservant dans l’échantillonnage que les Ifsi ayant complété toutes les données (165 réponses), le Cefiec obtient pour la rentrée 2021 un nombre total de 18 008 places disponibles. En septembre 2021, 17 612 places ont été occupées, soit 97,80 %. Deux mois plus tard, plus que 15 341 places étaient encore occupées, soit 86,61 %. 2 271 étudiants ont donc quitté leur Ifsi. « Pour le moment, en raison du taux de réponses, ces chiffres évoquent seulement une tendance, prévient la présidente du Cefiec. En revanche, il est vrai que cette notion “d’abandon des études” était véhiculée dans les discours, sans que nous ayons une idée de l’importance du phénomène. L’enquête permet d’objectiver ce discours. »
Deux raisons sont évoquées pour expliquer ces abandons : un problème d’orientation et des raisons personnelles. « L’orientation des jeunes est clairement un axe à travailler, soutient Michèle Appelshaeuser. Il est nécessaire de faire connaître le métier aux lycéens afin qu’ils n’en aient pas une vision idéalisée. » D’ailleurs, les étudiants issus de Parcoursup sont plus nombreux à interrompre leurs études pour erreur d’orientation (3,31 % en première année et 1,39 % en deuxième année) que ceux issus de la filière de la formation professionnelle, ces derniers ayant certainement davantage réfléchi leur projet. Concernant les raisons personnelles justifiant l’abandon (2,65 % en première année), « nous n’avons pas plus d’informations, reconnaît la présidente du Cefiec. Mais peut-être pourrait-il être intéressant de s’interroger sur la manière dont les équipes pédagogiques peuvent intervenir pour aider et accompagner un jeune lorsqu’il se trouve en difficulté ».
Travailler à l’attractivité du métierL’enquête a également permis d’identifier les secteurs d’activité choisis par les étudiants (public, privé non lucratif et privé lucratif) ou encore les spécialités et modalités de recrutement à l’issue de leur formation. Les postes en médecine, chirurgie, obstétrique (MCO) et en réanimation sont plébiscités par 66 % des étudiants. « Les secteurs des Ehpad, de la gériatrie, de la santé mentale et du handicap n’attirent pas, et ce n’est pas une surprise, reconnaît Michèle Appelshaeuser. La politique d’attractivité menée par le gouvernement sur les métiers du sanitaire et du social paraît d’autant plus justifiée. » Et de conclure : « Les réponses des Ifsi ont été assez faibles selon les questions. Pour cette raison, nous souhaiterions renouveler l’enquête tous les ans afin d’avoir des données fiables ainsi qu’une courbe d’évolution du profil des étudiants. »
Laure Martin
* Enquête réalisée par un questionnaire en ligne diffusé par mail aux adhérents du Cefiec. Nombre de répondants après suppression des doublons : 214 Ifsi sur 357, soit 59,94 % de la population totale. Dépouillement réalisé du 20 janvier au 10 février 2022.
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- Martin L., « ESI : le Cefiec et le ministère de la Santé mènent l’enquête », Espaceinfirmier.fr, le 14/12/2021.
- Laborde T., « La désillusion des jeunes étudiants et IDE », Espaceinfirmier.fr, le 23/11/2021.
- Laborde T., « La souffrance des ESI ne s’apaise pas », Espaceinfirmier.fr, le 4/11/2020.
- Renaud A., « Entrée en Ifsi : quel est le premier bilan de Parcoursup ? », Espaceinfirmier.fr, le 22/05/2019.