Etudiants infirmiers : encore une rentrée sans véritable statut | Espace Infirmier
 
Etudiants infirmiers : encore une rentrée sans véritable statut

01/09/2011

Etudiants infirmiers : encore une rentrée sans véritable statut

A quelques jours de la reprise des cours dans les Ifsi, Florence Lamaurt, présidente de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnési), fait le point sur ce qui change cette année. Les infirmiers qui seront diplômés en 2012 auront un grade licence, mais côté statut étudiant, le compte n’y est pas.

Espaceinfirmier: Vous avez été élue sur une liste qui s’appelait "Des projets pour avancer, des valeurs pour nous porter". Quels sont ces projets ?
Florence Lamaurt:
Il va beaucoup s’agir de la réforme, de faire en sorte que tout se passe bien, ce qui n’est pas forcément encore le cas. Mais nous voulons aussi développer de nouveaux axes comme la mobilité des étudiants en soins infirmiers, puisque seuls 14 Ifsi en France ont signé une charte Erasmus. Je suis élue jusqu’en novembre –date de l’Assemblée générale de la Fnési- et ces six mois devront par ailleurs servir à préparer 2012. En effet, l’année prochaine, il y a certes les élections présidentielles, mais aussi  toutes les élections étudiantes (Crous, conseils centraux des universités, etc.), des échéances à préparer pour que les étudiants en soins infirmiers (Esi) soient représentés dans toutes les instances.
 
Et les valeurs ?
A la Fnési, on travaille beaucoup sur les valeurs associatives. Chez les étudiants infirmiers, c’est un peu difficile de se lancer dans l’associatif parce qu’on a des études courtes et intenses entre les stages, les cours, les petits boulots… Nous voulons donner des outils aux étudiants et développer un véritable esprit de corps en leur sein.

Comment s’annonce la rentrée avec la mise en œuvre du nouveau référentiel pour les 3e année?
Comme tous les ans, il y a une petite part d’interrogation. On ne sait pas trop ce que ça va donner  pour les étudiants. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a beaucoup de travail du côté des formateurs pour mettre en place cette 3e année dont ils n’ont pas encore l’expérience.

La mise en œuvre du nouveau référentiel a semblé poser problème au niveau des stages, avec notamment un maniement trop complexe du portfolio qui décourageait les professionnels dans les services et insécurisait les étudiants. Des mesures ont-elles été prises pour y remédier ?
Officiellement, aucune. Là aussi, on attend beaucoup de la rentrée, pour voir comment ça se passe dans les services. On sait pertinemment que ça va se faire avec le temps. Le portfolio, oui, c’est outil imposant, un peu dur à manier au début. Mais je pense qu’il y a aussi un problème de communication entre infirmiers et étudiants. On ne sait pas forcément qui fait quoi. Il ne faut pas se contenter de former les professionnels au portfolio, mais aussi sur ce qu’est la nouvelle réforme. Par exemple, il y a très peu de professionnels qui savent que les étudiants, pendant leurs stages, ont des analyses de pratique à rendre à l’Ifsi. Du coup, ils pensent que les étudiants sont juste là en stage, qu’on a juste à leur cocher des trucs dans leur portfolio, qu’ils n'ont rien d’autre à faire. Ils vous diront que, dans le temps, on faisait des démarches de soin, etc, alors que finalement les étudiants en font. Mais comme il y encore ce fossé entre ancien/nouveau référentiel, ils ont un peu de mal à s’intégrer dans les équipes. Les mentalités vont devoir changer, mais ça a été la même chose quand, en 1992, il n’y avait plus d’infirmier psy et que tout le monde passait le même diplôme. A chaque réforme, on sait qu’il y a un temps d’adaptation.

Deux arrêtés ont été publiés cet été…
Chez nous, les arrêtés sortent toujours l’été! Celui sur le référentiel de formation était tombé un 31 juillet... Cette année, un premier arrêté modifie les conditions d'obtention du DE avec la possibilité de passer en 3e année malgré des Unités d’Enseignement (U.E.) de 1e année pas encore totalement validées. C’était un gros souci l’année dernière pour les étudiants de se dire qu’ils arrivaient à la fin de leur 2e année sans avoir validé forcément toutes les U.E. de 1e année, et qu’ils n’auraient pas le droit de redoubler ni de passer. Il n’y avait rien dans les textes qui définissait ça. La suppression de l’obligation de valider en totalité les semestres 1 et 2 pour passer en 3e année a donc rassuré pas mal d’étudiants. On sait que les étudiants, maintenant, ont beaucoup moins de stages qu’avant en 1e année (un de cinq semaines et un de dix semaines) et c’est parfois difficile de valider la totalité d’une compétence sur une année, en fonction des lieux de stage où l’on va. Quant au second arrêté, il était passé à l’automne dernier au Haut conseil des professions paramédicales et depuis… il ne sortait pas. C’était donc la surprise de le voir sortir pendant l’été. Il concerne la modification du fonctionnement des Ifsi. Trois grosses modifications à noter. D’abord les franchises d’absence : jusqu’alors, on avait 210 heures d’absences autorisées pour les trois ans, ce qui correspondait à 30 jours. Désormais, un étudiant doit être présent, pour chaque unité d’enseignement, à 80% des cours obligatoires. C’est positif car on fonctionne un peu plus sur un système universitaire. Si l’étudiant n’est pas présent au moins 80% du temps, il est noté comme défaillant pour la 1e session et il passera son examen seulement à la deuxième session. Je pense que ça va être très lourd à gérer pour les secrétariats... Pour nous, un problème persiste, c’est qu’il n’y a toujours pas de différence entre une absence justifiée et une absence non justifiée. Si vous êtes absent parce que vous êtes malade, c’est comme si vous vouliez juste sécher les cours. C’est dommage de noter des personnes défaillantes sous prétexte qu’elles ont eu une grippe pendant trois jours et que sur ces trois jours-là, il y avait toute l’U.E. qui se déroulait… Dans cet arrêté, on définit aussi les modalités d’élection des délégués (1). On voulait vraiment réinvestir le délégué de promotion dans ses missions, parce que c’est vrai qu’à l’heure actuelle, il est un peu le secrétaire des formateurs… Enfin, on a créé un nouveau conseil dans l’Ifsi, c’est le Conseil de la vie étudiante (CVE), qui va être un lieu dédié pour parler de vie étudiante, ce qui manquait puisqu’à l’heure actuelle, il n’y a qu’un conseil pédagogique et un conseil de discipline (2). Là, on peut parler de la vie étudiante au sein de l’Ifsi, des projets à mettre en place ; ça laisse beaucoup plus la parole aux étudiants. Le seul souci c’est que c’est un conseil consultatif, comme, malheureusement, tous les conseils de l’Ifsi, où la direction a le dernier mot.

Il y a aussi une circulaire qui est parue…
Oui, sur l’ancien référentiel, à partir du moment où on validait sa première année, on pouvait travailler comme aide-soignant le week-end, pendant les vacances scolaires, etc. Avec la réforme, ça n’avait jamais été explicité. Rien dans le texte ne disait comment on avait cette validation. Du coup, beaucoup d’étudiants se sont retrouvés sans pouvoir travailler parce que les boîtes d’intérim ou les employeurs ne savaient pas s’ils avaient le droit. Cette circulaire du 20 juillet 2011 clarifie les choses.
 
A l’issue de la mobilisation du 12 mai dernier, la délégation reçue au ministère de la Santé, dont vous faisiez partie, avait reçu la promesse d’un accès à tous les services universitaires pour les étudiants infirmiers. Qu’en est-il ?
Pour l’instant, on a très peu d’info là-dessus. On attend la rentrée, les inscriptions, pour voir si les étudiants vont réellement y avoir droit. A noter aussi que l’Association nationale des étudiants de Staps lance en octobre une grande enquête sur le sport dans l’enseignement supérieur, donc on en saura peut-être plus sur les conditions d’accès aux infrastructures sportives des étudiants en soins infirmiers.
 
Et en ce qui concerne les restaurants universitaires (R. U.) ?
C’est toujours difficile. L’accès, c’est un concept. Si le R.U. est loin de l’Ifsi, on a beau y avoir accès, comment on fait ? La plupart des Ifsi sont au sein des CHU, donc ce qui est demandé depuis plusieurs années par la Fnési et par les élus infirmiers au Crous, c’est que soient mis en place des conventionnements entre les selfs des CHU et les Crous pour qu’on puisse payer un repas au prix du R.U. Il y a des Ifsi qui paient 6 ou 7 euros leur repas tous les jours, c'est énorme !

Avez-vous enfin des cartes d’étudiants lambda ?
Toujours pas de vraie carte ! Pourtant, y a une circulaire qui est sortie en 2009, qui demandait qu’on ait tous une vraie carte d’étudiant avec un numéro INE dessus, avec le logo du Crous, le logo de l’université... Certains ifsi l’ont, mais ils sont très minoritaires. D’autres ont juste un papier, un truc en carton. Moi, à Amiens, j’ai une carte plastifiée.

Il y a quelques jours, le gouvernement annonçait le versement d’un dixième mois aux étudiants boursiers…
Hélas, cela ne concerne pas les étudiants infirmiers. Nous avons rédigé un communiqué pour dénoncer cette injustice avec d’autres fédérations d’étudiants (sages-femmes, ergothérapeutes et kinés). Les bourses des étudiants des filières sanitaires et sociales sont gérées par les régions et non pas par le Crous. C’est un gros souci car si les étudiants abandonnent leur formation, pour beaucoup, c’est à cause de problèmes financiers. C’est donc une revendication très forte de l’ensemble de la filière sanitaire et sociale que d’avoir un transfert de nos bourses au Crous pour obtenir les mêmes montants, les mêmes échelons que les autres étudiants d'une part et d’une région à l’autre d'autre part. Il n’est pas normal que certaines régions soient encore alignées sur les montants de 2005 du Crous et n’aient jamais été réévaluées depuis, malgré l’augmentation du coût de la vie et de la rentrée.
 
A ce sujet, le cabinet de Xavier Bertrand s’était engagé au printemps à saisir le Conseil d’Etat. Cela a-t-il été fait ?
Dans le dernier mail qu’on a reçu, c’est oui. Le Conseil d’Etat a été saisi, mais pas de nouvelles pour l’instant. Cela peut prendre très longtemps ce n’était pas forcément la solution adéquate…

Et en ce qui concerne le logement ?
On a majoritairement des logements de ville, plus difficiles à obtenir et avec des loyers beaucoup plus chers que les logements étudiants. Très peu d’étudiants infirmiers ont un logement du Crous. Pour en avoir un, il faut en effet remplir un Dossier social étudiant. Or on ne le remplit pas, puisqu’ils sont proposés lors de l’entrée à l’université. Par ailleurs, nous ne sommes pas boursiers du Crous, donc nous ne sommes pas prioritaires pour les logements. Si le gouvernement pouvait garantir l’accès des logements étudiants à tous les étudiants, ce serait une bonne chose...

Il y a peu, le président de la Fédération de l’hospitalisation privée, Jean-Loup Durousset, a jugé trop faibles les quotas d’admission en première année d’Ifsi et plaidé en faveur de l’apprentissage pour simplifier la formation des infirmières et éviter que les étudiants ne décrochent en cours d’études. Qu’en pensez-vous ?
Refaire une réforme alors qu’on n’a pas assez de recul pour évaluer celle qu’on est en train de subir n’est pas forcément pertinent. M. Durousset dit que les études sont trop longues, or elles ont déjà raccourci puisqu’on est passé de trois ans et quatre mois à trois ans. Je ne pense pas que ce soit trop long pour tous les apprentissages à acquérir, que ce soit au niveau théorique ou pratique. Je ne suis pas sûre que ce serait bon pour la qualité de la formation et des soins de réduire encore ce temps d’apprentissage. Avant d’augmenter les quotas, il faut d’abord analyser pourquoi les étudiants abandonnent et y remédier. Il y a peut-être une mauvaise orientation des lycéens. Beaucoup d’étudiants abandonnent au cours de la 1e année, notamment après le premier stage, la première mise en situation professionnelle, le premier contact avec l’hôpital. Quand ils abandonnent plus tard, en général, c‘est plutôt pour des problèmes financiers. On doit pouvoir faire quelque chose. Un meilleur statut étudiant, tiens !

Envisagez-vous de remobiliser les étudiants comme au printemps dernier ?
Tout à fait ! Je ne sais pas si ce sera une manifestation nationale comme le 12 mai, mais ça finira peut-être comme ça si rien ne se règle dans l’année. Le mois de septembre va être décisif. Déjà en juin, des étudiants parlaient de repartir dans les rues… On attend la rentrée, mais beaucoup d’étudiants sont prêts à manifester, ne serait-ce qu’en régional. Je pense que les étudiants attendent beaucoup de cette rentrée, ils veulent voir que les choses changent.

Propos recueillis par Cécile Almendros
Photo: Nicolas Cochard

1 - Le texte prévoit que les représentants des étudiants sont élus à l'issue d'un scrutin majoritaire uninominal à bulletin secret à un tour, dans un délai maximum de 60 jours après la rentrée.
2 - Le CVE sera composé du directeur, des six élus étudiants au conseil pédagogique et au minimum de trois autres personnes désignées par le directeur parmi l'équipe pédagogique et administrative de l'institut. Le texte prévoit qu'il se réunisse au moins une fois par an sur proposition des étudiants ou du directeur.

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